lundi 30 mai 2011

Guitare classique (technique)


Traité de guitare classique - (L’art du doigté)

Je suis tombé sur ce doc PDF qui traite du doigté (main droite).
C'est bien toujours le gros soucis, car autant trouver des partitions gratuites est faisable mais bien souvent le doigté n'est pas indiqué.

Le lien ici :

http://aegidius.fr/PDF/Guitare_classique.pdf

70 pages ! Pas encore eu le temps de me plonger sérieusement dedans.

samedi 28 mai 2011

Stoïcisme


Mon dieu, donne moi le courage de changer les choses que je peux changer, la sérénité d'accepter celles que je ne peux pas changer, et la sagesse de distinguer entre les deux.

Marc Aurèle

Intéressant déjà de constater que la rationalité du Stoïcisme avait su conquérir bien des coeurs pendant des siècles (au moins 4 si je compte bien).

Et en effet, pour qui est coutumier de la prière il est évident (par l'expérience) qu'une prière qui fonctionne est une prière humble. Car tant de choses et de gens sont en jeu.

Il convient donc toujours de demander le courage de discernement pour faire un prière juste.

A noter que ce sont toujours les prières qui nous concernent directement qui sont les plus efficaces.

Les injonctions à l'inconscient... les ordres même ! sont hyper efficaces j'ai remarqué.

Se mettre en relation directe avec l'inconscient est vraiment le plus simple. Pour des problèmes d'ordre privé. Les dépendances. Les réflexes inconscients etc.

Howard Phillips Lovecraft

L’Affaire Charles Dexter Ward
Howard Phillips Lovecraft, né le 20 août 1890 et mort le 15 mars 1937, est un écrivain américain connu pour ses nouvelles fantastiques.

Son œuvre comporte un thème récurrent : l’existence de dieux anciens et malveillants, oubliés à présent mais prêts à reprendre leur domination. Ainsi l’homme ne peut pas comprendre l’univers dont la plus grande partie lui est profondément étrangère. Et ceux qui essayent d’y parvenir par la science ou la magie mettent toujours en péril leur santé mentale et leur vie lorsqu’ils prennent conscience de l’horreur de la réalité.

Lovecraft est aujourd’hui considéré comme l’un des écrivains d’horreur les plus influents du XXe siècle avec Edgar Allan Poe.

L’Affaire Charles Dexter Ward est un des rares romans de Lovecraft, publié en 1927. Pour la petite histoire, il demeurait à l’époque à Providence au 10, Barnes Street qui est l’adresse du Dr. Willett dont vous allez faire la connaissance.
http://www.litteratureaudio.com

Michel Buffet : Congrès spirite mondial de 2004

Ce Michel Buffet est très cultivé et il me semble intéressant de noter toutes les références qu'il donne, les auteurs, les livres, les expériences. Il a le mérite de parler très concrètement d'un sujet assez flou en général.

Lien direct Michel Buffet: Congrès spirite mondial de 2004

Matteo Carcassi ( 1792/93 - 1853)


Et sa méthode progressive de guitare "25 Études opus 60"

Matteo Carcassi, né en 1792 (ou 1793) à Florence et mort le 16 janvier 1853 à Paris, fut un guitariste, compositeur et pédagogue italien et l'un des plus célèbres interprètes de son époque. Contemporain de l'espagnol Fernando Sor et de l'italien Mauro Giuliani, il est surtout connu pour ses œuvres pédagogiques.

Ses 25 Études opus 60. sont un parcours obligatoire pour tout étudiant guitariste. (tout en bas de la page "Les 25 Études dans l'édition originale de Schott")

Spiritisme (Radio podcast)

Radio Kardec

Je vais continuer, là où je l'ai laissée, l'étude du mouvement spirite. Commençons par cette web/radio : http://radiokardec.lmsf.org/. Des heures d'écoute dans les archives. La lecture audio de l'évangile selon le spiritisme qui est
l’un des cinq livres fondamentaux du spiritisme. Il est le résultat du travail de synthèse d’Allan Kardec, qui le mit en forme et le publia pour la première fois à Paris, en août 1864. Il contient une introduction à la doctrine spirite, une interprétation des principaux épisodes des Évangiles et une interprétation de l'enseignement de Jésus-Christ. Depuis sa sortie, L’Évangile selon le spiritisme est continuellement réédité par divers éditeurs dans de multiples langues.
Source : Wikipedia

Bien sûr, le mieux serait de commencer par le Le livre des Esprits. Mais on y reviendra.

Je conseille le fichier audio du 11 Avril 2011 qui donne une très belle synthèse de la doctrine spirite :

Conférence avec Michel Buffet : La Vie après la vie

ici

mardi 24 mai 2011

L'hiver par Agnès George (chaine Youtube)

Goupil et ses copains cherchent de quoi se mettre sous la dent
Venez visiter mon site : www.agnesgeorge.com
http://forumvideoviesauvage.forumsactifs.com/forum.htm
Ces images furent filmées durant les deux derniers hivers. Certaines scènes ont nécessité de nombreuses heures daffûts par des conditions de froid extrême. Mais quelle récompense de pouvoir vous faire partager cette nature libre et sauvage.
J'admire cette force de vie qu'ont ces êtres sauvages. D'ailleurs lorsqu'on les approche, qu'ils s'enfuient à l'arrivée de l'Homme dans un craquement de branches on sent toute cette puissance.

vendredi 20 mai 2011

Jung, Eistein, Freud et les proflifiques années 1920/30

C'est bien l'orient qui a influencé la pensée occidentale de ces années 20 qui, elle, l'a en retour modernisé. Le nombre de découvertes géniales et de penseurs géniaux est énorme. J'ai toujours fait un parallèle avec les années 70 comme faisant partie d'un grand un cycle qui se reproduit régulièrement. Comme une pulsation. On ne peut pas séparer l'alchimie, l'occultisme, les religions orientales (indiennes en particulier) de la science moderne qu'elle soit psychologique ou de physique. Toutes ces sciences que nous banalisons aujourd'hui sont nées d'un foisonnement intellectuel jamais égalé. Ces occidentaux sont allés en Inde ou en Chine pour apprendre et ils ont su prendre la quintessence de ces religions millénaires. En retour l'Inde et l'orient ont reçu cette modernisation. Aussi lorsqu'un occidental s'extasie devant un guru Indien il oublie, ou plutôt ne connaît pas, cet échange qui a eu lieu. Le guru était très au courant des dernières découvertes en occident (inspirées de sa propre tradition).


L'occulte et la science par arbbss

Paul Dirac (Physique quantique)

Lorsque certains veulent opposer science et métaphysique on se demande de quoi ils parlent. Dirac est un des plus grands scientifiques du début du siècle dernier. Cette vidéo démontre la témérité de ses hypothèses et ses recherches.


L'équation de Dirac par arbbss

Bhagwan Sree Rajneesh dit "Osho" (livre et vidéo)

"Je suis la porte"

Je suis en train de lire un vieux livre de mes parents qui a eu énormément de succès en son temps nommé "Je suis la porte" écrit par Bhagwan Sree Rajneesh plus connu récemment sous le nom de Osho. Et bien c'est vraiment intéressant. On sent que le type sait de quoi il parle. Je joins la vidéo qui décrit un peu son parcours hélas malheureux. Lorsque j'avais regardé cette vidéo je m'étais déjà fais la réflexion que son projet initial était noble et généreux. Assez idéaliste. Mais aussi que son entourage proche avait pété les blombs... Juste histoire de dire que ce livre me semble très profond et imbibé de ce que tout le monde appelle l'éveil aujourd'hui. Il y parle très clairement de la conscience et des limites que nous mettons sur cette conscience. Autour tout du moins... par exemple... si j'ai le temps, ce qui m'étonnerait dans les temps qui viennent je taperai quelques extraits intéressants.


La Manipulation grâce a la Sagesse Orientale - 1... par Introcrate


La Manipulation grâce a la Sagesse Orientale - 2... par Introcrate


La Manipulation grâce a la Sagesse Orientale - 3... par Introcrate

mardi 17 mai 2011

Jethro Tull - Bourrée de J. S. Bach

Interprétation et adaptation par le fameux groupe rock progressif des années 70 Jethro Tull.

"Bourrée" de J. S. Bach (pour Luth)

Bach écrivait vraiment pour tous les instruments. Je découvre depuis peu qu'il composait aussi pour Luth.

Traduction de wikipedia à l'arrache :
Bourrée en mi mineur est une pièce populaire luth, la cinquième mouvement de la Suite en mi mineur pour luth, BWV 996 (BC L166) écrite par Johann Sebastian Bach. Bien qu'il ait été
écrite pour le luth, il peut être joué avec d'autres instruments à cordes, comme la guitare, mandole ou mandocello, et instruments à clavier, et il est particulièrement bien connu des guitaristes. [1] Le rythme des la pièce devrait être assez rapide et sans heurts, car il a été écrit à une danse. Il montre également contrepoint contraire, que les deux voix jouent en face les uns des autres.

lundi 16 mai 2011

Michel Onfray : "Politique du Rebelle" (livre)

Traité de résistance et d'insoumission


Voici l'introduction du livre "politique du rebelle" de Michel Onfray qui date de 1997. Cette introduction est un chef d'oeuvre pour tout écorché vif comme moi. Pour toute personne vraie depuis l'enfance. Pour toute personne qui n'a jamais pu apprécier l'usine, le monde de l'entreprise, les petits chefs, les collègues morts de peur qui sont prêts à toutes les injustices pour garder leur place. Ce texte explique exactement ce que j'aurai aimé écrire à l'époque de toutes ces souffrances et que j'écrirai un jour peut être. Onfray n'est pas énervé pour la posture. Il est énervé car il est normal de l'être. Ce qui est anormal selon moi c'est de ne pas l'être. Ce que nous nous imposons est stupide. Non seulement c'est stupide mais c'est inutile et générateur de souffrances inutiles également. Ce texte raconte l'histoire du petit gars Onfray qui va être un esclave comme papa mais qui finalement décidera de tout faire pour ne pas aller à l'usine. Ce qui donne Onfray. Qui a aussi démissionné de l'éducation nationale. Qui est un vrai philosophe selon moi.


Je sais ma fibre anarchiste depuis mes plus jeunes années, indistinctement, de manière confuse et trouble, sans que j'aie pu poser un nom sur cette sensibilité issue des viscères et de l'âme.

Dès l'orphelinat de Salésiens où je fus envoyé par mes parents à l'âge de dix ans, dès la première main levée sur moi, dès les premières vexations infligées par les prêtres, dès les autres humiliations contemporaines de mon enfance, plus tard, à l'usine où je fus quelques semaines, puis à l'école ou à la caserne, j'ai rencontré la révolte, connu l'insoumission.

L’autorité m'est insupportable, la dépendance invivable, la soumission impossible. Les ordres, les invites, les conseils, les demandes, les exigences, les propositions, les directives, les injonctions me tétanisent, me vrillent la gorge, me tordent le ventre. Face à tout commandement, je me retrouve dans la peau de l'enfant que je fus, ravagé de devoir reprendre la route du pensionnat pour la quinzaine qui était devenue la mesure de mes incarcérations et de mes libérations.

Presque trente ans après mon entrée dans cette pension, je constate ma peau hérissée, ma volonté arc-boutée et ma violence sous-jacente dès qu'apparaissent des velléités d'accaparement de ma liberté. Seuls peuvent me supporter et vivre dans mon entourage le plus proche ceux qui acceptent cette chair blessée, cette écorchure encore à vif et cette incapacité viscérale à supporter un quelconque ascendant. On obtient ce que l'on veut de moi sans demander, rien dès que pointe ce qui peut s'apparenter à l'expression d'une puissance qui me mettrait en péril ou entamerait ma liberté.

Je n'ai que tardivement, vers l'âge, de dix-sept ans, découvert qu'il existe un archipel de rebelles et d'irréductibles, un continent de résistants et d'insoumis qu'on appelle des anarchistes. Stirner me fut un viatique, Bakounine un éclair trouant mon adolescence. Depuis mon abordage sur ces terres libertaires, je n'ai cessé de me demander comment, aujourd'hui, on pouvait mériter l'épithète anarchiste.

Loin des options datées du siècle dernier ou des démarquages de ce qui relève encore du christianisme dans la pensée anarchiste des grands ancêtres, je me suis souvent interrogé sur ce que serait, en cette fin de millénaire, une philosophie libertaire ayant pris en considération deux guerres mondiales, l'holocauste de millions de Juifs, les camps du marxisme-léninisme, les métamorphoses du capitalisme entre le libéralisme échevelé des années 70 et la planétarisation des années 90, et surtout l'après Mai 68.

Avant de parvenir à ces zones contemporaines, je voudrais raconter l'hypothèse d'informations qui travaillent d'abord les viscères, le corps, la chair. Je souhaiterais retourner à des sapiences qui touchent en premier lieu une viande, une charpente, un système nerveux. J'aimerais retrouver l'époque où s'inscrivent dans les plis de l'âme les expériences génératrices d'une sensibilité dont on ne se départit jamais, quoi qu'il arrive ensuite.

Mon propos est une physiologie du corps politique. Je tiens que, pour moi, l'hédonisme est à la morale ce que l'anarchisme est à la politique : une option vitale, exigée par un corps qui se souvient. Ce douzième livre complète les précédents qui invitent tous à une philosophie du corps réconcilié avec lui-même, souverain, libre, indépendant, autonome, jubilant d'être ce qu'il est plutôt que souffrant dans les rets de l'idéal ascétique. Je n'imagine pas de philosophie sans le roman autobiographique qui la permet.

Tout commence avec le corps d'un enfant épouvanté par l'usine du village qui souffle vapeurs et fumée par ses naseaux, tel un animal monstrueux et fabuleux. Son ventre grouille de bruits sourds et réguliers, longs et lents, noirs et inquiétants : des moteurs, des souffleries, des machines magiques, des zé-brures de fer, des grondements d'acier, des palpitations de rouages et de longs jets de brumes fades ou saturées d'odeurs écœurantes.

Ainsi m'apparaît la fro-magerie du village dans les rues du-quel j'ajuste mes premiers pas. L'usine rejette dehors des brouillards menaçants pour l'enfant que je suis. Je vais régulièrement de la maison de mes parents aux frontières de cet animal furieux pour remplir une timbale de lait et revenir en sentant dans ma main creusée le poids et la rondeur bosselée du manche de bois écaillé de peinture rouge.

Le liquide pèse et tire mon bras. Je me souviens de la différence entre un aller léger avec un récipient vide qui oscille à mon poignet et que je fais sonner en le jetant de temps en temps contre les murs, et le retour avec un contenu qui débordera si je ne prends garde à la stabilité de l'ensemble. Alors le lait coule en filaments crème le long de l'aluminium, voire, l'été, sur mes jambes nues.

Qui donc m'avait appris cette magie de la force centrifuge avec laquelle on pouvait, en faisant vivement tourner autour de l'axe de son épaule la timbale tenue en poids mort le long de son bras, réaliser une rotation intégrale sans qu'une seule goutte de lait s'échappe du récipient ? La réponse me revient aujourd'hui, en écrivant: un complice d'école primaire mort il y a peu d'un cancer généralisé.

De ces sons mats de l'aluminium cogné le long du mur à ce souffle, ce sifflet d'air après les mouvements que, plus tard, j'expérimentai avec l'encensoir dans la sacristie les jours de messe, il m'apparaît que je découvrais le monde, en morceaux, par fragments.

J'allais donc chercher tous les deux jours ce lait donné par le patron de l'usine à ses ouvriers - mon père travaillait à sa ferme, ma mère au ménage dans son château, comme on disait. Je longeais l'animal et pénétrais parfois la fumée qui sortait des ventilations pratiquées dans les fenêtres occultées avec les carreaux de verre épais qui séparaient ces entrailles et la peau du village. En conquérant de brouillards magnifiques, en conquistador de contrées saturées par des fogs usinés, j'entrais dans ce monde comme on pénètre dans des grottes sombres, des anfractuosités mystérieuses où l'on s'attend à tomber nez à nez avec un animal préhistorique. Je ne savais pas alors que je serais face à un dragon dont, depuis, j'ai conservé la haine.

Dehors, dans le froid des hivers ou la lumière des étés, je retrouvais cette vapeur comme un signe de proximité avec le Léviathan. De l'intérieur me parvenaient des bruits sourds, secs, froids, nets, des hurlements composés au métronome, des gémissements mécaniques et des furies travaillées par un vent méchant. Longtemps, je ne sus de cette baleine blanche que les lèvres, la gueule, en ignorant tout de son ventre.

Autour d'elle, tels des marins en partance pour des bancs de poissons non loin de continents hyperboréens, les laitiers partaient dans la nuit, comme les terre-neuvas embarquent pour des mondes lointains : les camions quittaient l'usine en théories, en processions.

Réveillé par eux et leurs mouvements nocturnes semblables à ceux des méharistes s'enfonçant dans le désert, j'entendais d'abord les bidons qui s'entrechoquaient dès le ralentissement, non loin du stop, près du carrefour. Puis les nouveaux brinquebalements au redémarrage avant éparpillement aux quatre points cardinaux. À mes yeux d'enfant, mon oncle était de ces guerriers de la laiterie, un genre de chevalier levé aux aurores quand le village dormait encore.

Au bout des chemins tracés dans les verdures alors menaçantes, encore dans la nuit, ils chargeaient les bidons dans leur camion et descendaient les autres, que le paysan retrouverait vides dès son lever. Cette noria permettait l'alimentation de la bête restée au village. De retour très tôt à l'usine, les laitiers rapportaient le lait en quantité et je voyais alors le ventre de l'animal rempli jusqu'au bord, aux limites du vomissement.

J'imaginais le débordement du liquide gras et blanc par-dessus les bidons, les cuves, les containers, les gigantesques marmites d'acier qui rivalisaient en monstruosité avec la majesté du donjon médiéval qui domine le village. Puis l'envahissement des rues, des maisons, des commerces, de mon école, de la boulangerie où j'allais chercher le pain dans les lueurs vacillantes du petit matin.

Vagissements, plaintes contenues, bruits étouffés, mugissements modulés en longues phrases, grondements des moteurs et des ventilations, l'usine m'était interdite sous peine de découvrir là un univers peuplé de monstres, de furies, d'horreur et de damnés; j'étais autorisé au seul abord de ce que l'on appelait les quais, débarcadères des nombreux bidons.

M'enfonçant dans l'air de plus en plus saturé par le bruit, la vapeur et l'activité laborieuse, j'empruntais un petit escalier de fer, toujours ruisselant, toujours glissant, pour parvenir à un endroit où la lumière tombait dru d'un trou pratiqué dans le plafond. La plate-forme était envahie par un serpent de fer et d'acier, de chaînes et d'huile, sur lequel les bidons avançaient régulièrement, de l'arrière du camion où on les déchargeait aux cuves où moussait le lait vidé avant d'être englouti par l'usine.

Là, soit je me servais, malhabile, maladroit, soit on emplissait pour moi le récipient. Parfois, un adulte velu, toujours le même, plongeait la mesure dans le lait et versait le contenu dans ma timbale; de temps en temps des gouttes coulaient sur ses avant-bras et le mélange des poils bruns et des filets blanchâtres m'écœurait.

Deux mots, de lui à moi, et je repartais, le bras lesté, laissant derrière moi l'usine menaçante pour retrouver le village. La limite était perceptible à la hauteur du hangar à vélos où, sous les tôles, les bicyclettes étaient pendues comme des carcasses sanguinolentes à des crocs de boucher, attendant qu'après la journée de travail les ouvriers viennent dépendre leurs victimes exsangues.

La cour était traversée par des corps en mouvement, comme sur une scène de théâtre : certains, droits, raides, propres, dignes, habillés en tenue de ville; d'aucuns, plus voûtés, plus courbés, plus sales, plus accablés, en bleus de chauffe, cottes ou salopettes; d'autres, enfin, tordus, vrillés, écrasés par un poids dont j'ignorais la provenance, hantaient l'espace et allaient, pareils à des fantômes échappés de je ne sais quelle sombre douve.

Ici se croisaient les gens des bureaux et de la comptabilité, ceux de l'entretien et de la mécanique, ceux de la production et des travaux pénibles. Mon enfance côtoyait ces mouvements de troupe, déjà imbibée de la révolte qui fait aujourd'hui mon irréductibilité viscérale.

Les paysans allaient et venaient aussi, conduisant des tracteurs cahotants, bruyants et fumants. Derrière eux, ils tiraient en attelage des tonnes métalliques dans lesquelles ils versaient le sérum du lait avec lequel on avait fait le beurre.

Ce petit-lait, clair, légèrement verdâtre, débordait au gré des cahots dans la cour. Des traces liquides se dessinaient sur le sol, cartographies magiques et mystérieuses, salement parfumées d'une odeur piquante et acide. Enfant, j'enjambais ces flaques laissant derrière moi l'animal et ses dégorgements pour retrouver petit à petit, aux dimensions de mon pas, la rue qui descendait au village.

Le hameau était construit autour de cette usine : cinq cents habitants, cent vingt employés. Tous y avaient travaillé, y travaillaient ou y travailleraient. Les commer- çants, l'école, le conseil municipal, les artisans, le médecin, les cafés, le pharmacien, la poissonnière, tous tenaient de cette entreprise l'essentiel de leur substance et de leur subsistance. Le patron de l'usine vivait en dandy, grand seigneur méchant homme, beau, élégant, amateur de voitures puissantes et de femmes, comme on aime les chevaux, de costumes superbement coupés et de chaussures italiennes sur mesure. Et aussi de parfums entêtants.

Son nom était celui de ses fromages et de sa fromagerie, mais dans l'usine, on l'appelait par son prénom: Monsieur Paul. Mes parents lui devaient leur emploi et mon père quelque gratitude, notamment parce qu'il avait prêté une voiture pour conduire sur sa fin ma grand-mère à l'hôpital. On l'aimait comme alors le paternalisme rendait possible ce genre d'amour. Il possédait tout, du ventre des femmes qu'il élisait aux maisons qu'il collectionnait dans le village.

Je reçus ma première lettre d'embauche le jour de la fête de mon père, l'année de mes seize ans. Je venais de passer le bac de français et attendais la reprise de l'année scolaire 1975-76. Ce devait être mon premier contact avec le ventre de l'animal, l'intérieur de la machine. Il y en eut un autre, deux années plus tard, en 1977, alors qu'une saison de philosophie à l'université, en dilettante, m'avait conduit à mes dix-huit ans et au vide qui s'ouvrait devant moi.

Je voulais être conducteur de train à la SNCF, qui m'avait refusé, et tentais de repousser le plus loin possible la date de mon incorporation à l'armée... Je pénétrai donc dans les entrailles de la bête le 1er juillet 1975 à sept heures le matin.

Si la pension n'avait brisé l'enfant en moi pour me propulser dans le monde brutal des adultes dès l'âge de dix ans, je serais devenu vieux ce jour-là, à cette heure-là. Je n'ai pas oublié ce que j'ai appris dès cette date et ne l'ai jamais négligé depuis, quels qu'aient été mes trajets, quels qu'aient été les lieux où j'ai traîné ma curiosité et mon désir inextinguible d'expériences.

Les portes souples et isolantes en plastique rayé par les froissements des allées et venues se sont ouvertes pour moi ce matin-là. J'ai laissé ce qui me restait d'enfance à leur limite et suis définitivement devenu adulte en franchissant cette barrière initiatique.

Je vis alors les glaires qui tapissent le ventre de l'animal, ses poumons brûlés et sales, son système digestif où se fomentent les exhalaisons et les putréfactions de son haleine, j'ai regardé la carcasse dont il était fait, les murs humides, trempés d'une transpiration tiède et visqueuse, les pavés glissants et recouverts d'une pellicule grasse, les allées et venues avec palettes et chariots divers qui transportaient la nourriture, la matière à transformer, à digérer, à régurgiter, à rendre solide, liquide, à métamorphoser en pâte, en rubans de beurre et coulées de crèmes épaisses et fades, en camemberts. De l'intérieur, je découvrais enfin ce qui faisait l'épicentre de l'usine, imaginé pendant des années et décrypté d'un seul coup.

Et puis j'y voyais des hommes et des femmes, peu d'hommes, essentiellement des femmes. Les premiers travaillaient dehors, sur le quai, au déchargement, à conduire les camions, à assurer l'entretien; les dernières au contact des liquides, de la matière en gésine, en gestation, en perpétuelles transformations, du côté des levures, des bactéries, des proliférations de champignons, des coulures et des tremblotements de masses caillées.

Je fus affecté au salage en compagnie d'un ancien ouvrier des abattoirs qui me racontait le sang brûlant bu à la carotide des taureaux abattus ou les foies crus déchiquetés à pleines dents en forme de concours avec ses compagnons de travail. Il me conta aussi la Légion étrangère et son engagement dans l'armée.

Tous les deux, nous travaillions au saumurage des fromages. Lui, avec un palan, immergeait un assemblage de clayons d'acier et de fromages frais dans d'immenses bacs d'eau salée creusés dans le sol; moi, je récupérais l'ensemble, dégoulinant de saumure, avec pour tâche de déplacer à la main ces fromages, de les disposer de façon à ce qu'ils ne se touchent pas au moment de l'arrosage bactérien. Botté, coiffé d'un calot, habillé de blanc dans des vêtements qui jamais ne furent à ma taille, je m'acquittais au mieux de ma tâche.

Des erreurs de plaçage ou d'emboîtage des clayons pouvaient induire l'effondrement de tout l'édifice. Alors plusieurs dizaines de fromages tombaient et roulaient au sol. Ce qui ne manquait pas d'enclencher soit le rire, soit la colère sans nom du mangeur de foie cru.

L'entrée dans le hâloir, puis dans le lieu du salage, me soulevait le cœur et me donnait envie de vomir. Après l'odeur de métal rouillé des vestiaires, où l'on se défaisait de ses vêtements civils pour revêtir la tenue de travail, il fallait supporter les effluves de mauvais vins, de cidres avariés ou de charcuterie débordant des sacs en papier du casse-croûte de la matinée. Enfin, la journée de travail se passait dans des tissus saturés de sueur, de larmes, de sérum, de présure, de saumure, voire de glaires accrochées aux murs et dégoulinant sur le corps dès qu'on les frôlait un peu trop.

Les odeurs de transpiration se mêlaient au petit-lait qui mouillait les cheveux et coulait sur le visage. Aux coins de la bouche, sur les lèvres, on trouvait parfois mélangées des saveurs de sel dont je me demandais ce qu'elles devaient aux pleurs de colère, aux salissures saumurées, aux traces sudoripares.

Le corps devenait une mécanique intégrée dans l'ensemble des fonctions de l'animal: respiration, digestion, circulation, flux d'airs et de vents, d'odeurs et de miasmes, de solides et de liquides, de travail et de douleurs, d'hommes et de femmes.

L'usine vivait à la manière d'un Léviathan embusqué dans les marécages. Les doigts pincés dans les clayons bleuissaient puis noircissaient de sang coagulé, les yeux piquaient à force de liquides brûlants instillés sous les paupières, les nerfs et les os du dos vrillaient l'influx et la colonne vertébrale dans les reins, les muscles des bras tremblaient, tétanisés par la réitération de l'effort et la pensée vagabondait, mais toujours ramenée dans mon esprit au travail et aux conditions dans lesquelles elle s'exerçait.

La peau de mes mains commença à se gondoler, à gonfler, à blanchir, puis à partir, morceau par morceau. De petits fragments, des pellicules, des amas cellulaires grattés à l'ongle se déposaient au creux de mes paumes. Puis de plus grands lambeaux qui, sous eux, laissaient une chair à vif chaque matin arrosée à nouveau de saumure.

Je devenais comme ces fromages dont les croûtes recouvrent une matière tendre : il me semblait qu'un mimétisme transfigurait tout un chacun qui finissait par ressembler à l'objet indéfiniment travaillé, manipulé, ouvragé. Sous la douche, l'eau claire et chaude lavait les douleurs de l'âme et ramenait à la forme humaine, à la consistance métaphysique nécessaire.

Les après-midi, dans les premiers temps, furent suivis d'effondrements, presque d'évanouissements tant la fatigue minait le corps qui explosait dès que la tension faiblissait. Sur l'herbe, dans la campagne où je vagabondais avec un ami compagnon d'infortune, dans un fauteuil, sur un lit, n'importe où, je sombrais en pleine inconscience dans un sommeil abrutissant dont je ne sortais que la nuit venue, comme si une horloge interne me réveillait pour m'inviter à prendre le chemin du lit. Dormir : il n'y avait plus de sens à mon existence que dans cet abandon à la tyrannie de la fatigue.

Après douze heures de sommeil, je repartais au travail encore embrumé par le souvenir de lassitudes rêvées, moulu, harassé, exténué, vidé, hanté encore par les songes vécus eux aussi dans le ventre de la baleine.

Ce corps-là, j'en ai gardé le souvenir intact, sans une once d'entropie. Et je sais qu'il n'est pire esclavage que de sentir, petit à petit, sa chair se modeler, se défaire et se reconstituer autour des impératifs du travail.

Au pied de la chaîne de lavage où des jets de vapeur giclaient parfois en direction du visage de celui qui enfournait les cuves, j'ai travaillé avec un ouvrier fier de l'excroissance apparue à la jonction de son bras et de son avant-bras : une boule de viande, de chair, de muscle, construite et fabriquée par les milliers d'heures consacrées à la répétition du même geste. Dans le vacarme, la vapeur et les trombes d'eau, il me montrait parfois avec un clin d'œil ce signe qui fait le mutant : un animal tout entier dressé pour le travail.

Ma première odyssée dans le ventre bestial cessa avec la fin des vacances. Je lus pour tâcher de comprendre ce monde-là. Marx d'abord, parce qu'il me semblait le seul à parler de ces damnés, à avoir consacré une pensée tout entière au service d'une révolte que, désormais, je savais fondée et légitime. J'aimais Nietzsche et déjà la gauche m'apparaissait comme ma seule famille pensable. Je m'inquiétais du devenir de Marx dans ce Xxème siècle - l'idéal marxiste me passionnait, mais le spectacle soviétique me consternait.

Jean Grenier disait dans l'Essai sur l'esprit d'orthodoxie, qui m'avait enthousiasmé, ce que l'on pouvait savoir, alors, bien avant la publication de Soljenitsyne, de la peste hégélienne en matière politique. Le Parti communiste français dilapidait idéologiquement un capital essentiel et le gâchis me désolait d'autant qu'il me semblait qu'ainsi on s'acharnait sur le corps de ceux qui font face à la douleur au quotidien.

Puis je découvris les grands textes anarchistes. Je sus, dès lors, que j'étais de cet archipel. Stirner et son individualisme radical, Bakounine et son dionysisme libertaire, Jean Grave et Proudhon, puis d'autres, Kropotkine et Louise Michel, toutes pensées roboratives dont certaines n'étaient pas si éloignées de Nietzsche qu'on aurait pu le croire. Ni Dieu ni maître, voilà qui me semblait, et me semble toujours, d'une redoutable actualité et qui paraît bien proche du nietzschéen : Il m'est odieux de suivre autant que de guider.

En même temps que je progressais dans la voie libertaire, je ne trouvais que des textes anciens, pas de références récentes, rien après Mai 68 qui ait la densité et la consistance des classiques du siècle dernier, sinon des comètes, tels Alain Jouffroy ou Marcel Moreau. Les publications libertaires contemporaines sont encore pleines de la poussière du XIXème siècle, tout autant que les librairies anarchistes parisiennes que je visitais de temps en temps lorsque je quittais ma province.

Il y eut le bac, une année à l'université, d'autres lectures et un nouveau voyage dans le ventre de la même bête. Cette fois-ci moins en touriste que la première fois : il s'agissait plus nettement de rentrer dans la vie active, même si rien n'était alors engagé avant les obligations militaires. Nouvelles retrouvailles, vieilles figures, vieux lieux et immuabilité des tâches. Chacun était resté à son poste pendant que j'avais vécu ailleurs ces deux années-là, loin d'eux, oublieux même de leur existence.

Je fus du genre volant, sans tâche fixe, mais itinérant dans l'usine au gré des besoins, pour remplacer la plupart au moment des pauses de la matinée, quand le vin coulait à flots, quand les dents déchiquetaient les sandwiches épais et quand aussi d'aucuns se dépensaient en ruts tragiques, enfermés dans les toilettes ou les douches, pour copuler comme des bêtes dans un zoo. Fabrication, lavage des cuves, présurage, coupage, salage, manutention, plaçage, entretien, bricolage, je fus de toutes les corvées.

Travailler dans les jets de vapeur continuels, sous la pluie de saumure, les mains plongées dans les détergents qui trouaient la peau, le poignet et les doigts tétanisés par les envois de présure à la seringue, le bras ankylosé par les mouvements nécessaires aux déplacements de cuves, les gestes effectués dans une salle chauffée constamment à 33 degrés, une hygrométrie qui faisait ruisseler dès l'entrée dans la pièce, le bruit constant, le petit-lait mouillant et collant les cheveux sur le visage, le sérum qui sautait et giclait à la bouche dès que la pompe vidait le fond des cuves, les brûlures : je crois n'avoir rien ignoré de ce qui faisait le quotidien des différents postes dans l'usine.

La figure du contremaître

Mais le pire fut, dans cet enfer glaireux, la figure humaine du contremaître. Déhanché et déambulant pareil à un singe en quête de victime. Il ne se départissait jamais d'un béret de feutre noir, le même, jour après jour, huileux de crasse, lustré de saleté, frangé d'un feston d'écume dessiné par les couches successives de sueur.

Blouse blanche et bottes noires, il allait et venait, distribuait le travail et contrôlait avec un zèle minutieux ce qui avait été fait. Peu de paroles, des grognements à déchiffrer aussi vite que possible si l'on ne voulait pas risquer un emballement du borborygme en question et l'impossibilité devenue totale de comprendre quoi que ce soit à ses injonctions. Les gestes, les signes cabalistiques, les moulinets de bras, s'ils n'étaient pas compris, devenaient encore plus obscurs, toujours plus confus.

On disait de son couvre-chef - jamais expression ne fut mieux appropriée - qu'il cachait d'affreuses cicatrices après la boucherie d'une trépanation. Chacun pensait trouver là l'explication et la cause de son manque de finesse, sinon de sa franche nature caractérielle. Il était le contremaître, j'étais l'étudiant, un genre d'animal insupportable, quelque chose qui appelle l'intellectuel et signifie la forte tête à mater.

D'autant que, cette fois-ci, j'étais moins un saisonnier destiné à disparaître à la fin du temps convenu qu'une recrue avec laquelle il faudrait peut-être compter au quotidien, et pour longtemps. Car dans l'esprit de la plupart, on entrait à la fromagerie pour la vie...

Je découvris dans ses brimades moins l'expression de la lutte des classes que les effets radicalement pervers de l'exercice du pouvoir sur n'importe quel individu, fût-il normalement constitué.

Son autoritarisme et sa perversion avaient leur équivalent dans l'obséquiosité et la déférence chaque matin exhibée au passage de Monsieur Paul auquel il dit un jour combien j'étais un fauteur de trouble, un mauvais esprit. Son œil d'abruti pétilla lorsqu'il se fut déchargé de sa dénonciation. L'heureux sycophante avait joui pour la semaine, au moins. Le reste du personnel enfouit le regard dans la tâche du moment, pour y perdre un peu plus son âme.

Suivit une convocation au bureau dudit Monsieur Paul remise en bonne et due forme par le contremaître au béret noir. J'allai au saint des saints pendant ma journée de travail et fus reçu par un homme affable, onctueux, affectueux presque.

Il commença par rendre hommage au caractère brave de mon père et au courage de ma mère, ses employés. Je sus dès lors que je n'écouterais guère le reste. Il chargea le trépané, en ajouta sur son compte, et, en nietzschéen d'opérette, me fit une tirade sur ceux-qui-ne-sont-pas-de-la-même-nature, un genre de race des seigneurs à usage local. Peu avare de ficelles, il fit l'éloge de mon mauvais caractère, rendit hommage aux natures et aux tempéraments, me félicita de tel ou tel trait, puis me proposa tout de go un poste de cadre; dans son usine.

Le ciel me tombait sur la tête. Il continua en énumérant les avantages qu'il faisait miroiter comme un bonimenteur de foire. J'expérimentai alors, pour la première fois, la jubilation qu'il y a à dire non.

Les jours suivants, je repris ma place dans l'animal humide entre le gnome au crâne défoncé que je voyais et subissais au quotidien, et le prédateur traversant l'usine comme un météore. Il réitéra son invitation un matin, lui, parfumé, sucré, propre, net, rose, moi, puant, sale, collant, glaireux, cireux.

L'échange verbal eut lieu sous les regards interrogateurs et dubitatifs, curieux et intéressés. Nouveau refus de ma part, nouveau délai offert par le patron qui avoua n'être pas pressé et ne pas attendre de réponse dans l'instant.

Il y eut de nouveaux jours avec ce qui faisait les huit heures de tous. Certains qui étaient là depuis trente ou quarante ans avaient fini par se fondre dans le paysage, par devenir des morceaux de l'usine, des fragments de la bête qui soufflait toujours autant ses vapeurs méphitiques et ses brumes fades.

Le matériau humain se confondait aux autres, au fer des poutrelles, au bois des palettes, à l'aluminium des cuves, au caillé flasque des fromages, aux mucosités noires qui dégoulinaient sur les murs comme des limaces. Le temps ne passait pas, il reculait même et remontait. Le sable paraissait grimper de l'ampoule inférieure vers l'ampoule supérieure, et cette rétroversion de la durée infligeait au corps une irréfutable régression.

La physiologie des chairs poussées là comme des plantes vénéneuses au milieu d'une serre où l'on cultivait des végétations lactées, la viande tuméfiée huit heures par jour, cinq jours sur sept, onze mois sur douze pendant plus de quarante années, le système nerveux en sommeil pour le cortex, en éveil pour le cerveau reptilien, l'influx contenu dans des gaines où des milliards de fois l'énergie passe, dirigée vers les mouvements de l'entreprise, tout disait le corps politique, la physiologie dressée sur le mode politique.

Puis, un jour sans importance, la pendule allait marquer onze heures, je ne sais plus pourquoi, mais je n'ai pas supporté les vexations du trépané. La remarque fut certainement bénigne, mais dite sur le ton qui justifiait qu'on ne l'accepte pas. Au milieu du vacarme, de l'humidité, de la sueur, coincé dans la chaîne, mon travail dépendant du précédant, mais celui du suivant n'étant rendu possible que par le mien, je me rebellai.

J'arrêtai de travailler et regardai le contremaître qui vociféra de plus belle. Les cuves s'entassaient autour de moi, l'accumulation en amont s'accompagnait d'un manque de matière à travailler en aval. La chaîne tournait à vide. Ses cris se firent de plus en plus hystériques. Je quittai mon poste et me dirigeai vers lui, décide, lentement renais décidé, mon regard s'emparant du sien. Le silence se fit, il hurla, je criai plus fort que lui.

Je fus peut-être insultant, je l'ignore aujourd'hui, mais je me souviens lui savoir dit du plus fort que j'ai pu combien ils me répugnaient, lui et son pouvoir minable. La chaîne avait été arrêtée dans l'urgence par une ouvrière, terrifiée. Seuls demeuraient un bruit de moteur à vide et ce silence de tous que je n'oublierai jamais. Tous les regards étaient braqués sur ces deux bêtes qui se faisaient face. Après mon torrent de colère, je pris mon calot, défis mon tablier et lui fourguai le tout dans les bras.

Je n'ai plus aucun souvenir de la façon dont je me suis retrouvé dehors, dans l'état d'esprit du petit enfant que j'avais été et qui eut soudain l'impression d'en avoir fini avec un cauchemar en laissant l'animal souffler derrière lui, dans son dos. J'ai oublié, aussi, le détail de mon retour chez mes parents, de la lumière, du soleil dans le village, des carcasses de vélos accrochées sous le hangar. Je n'ai plus souvenance du bruit de ma respiration, alors, ni de celui que faisait l'aluminium de la timbale sur les murs de l'usine.

J'ai perdu toute mémoire du bruit des maillets de bois qui décoiffaient les bidons, des lents et longs vagissements des ventilateurs, des allées et venues mécaniques des camions et du bras des chauffeurs qui pendait à la portière. Je ne peux me remémorer les odeurs blêmes du lait, les couleurs fades de la crème, la pâleur des rubans de beurre sortis dans les matinées glacées d'hiver, tout gît comme en un cimetière.

Car l'usine est aujourd'hui une friche, un navire échoué, abandonné, déserté, vide depuis son rachat, puis sa liquidation. Monsieur Paul est mort, le contremaître trépané également, par zèle mimétique, peut-être, ou goût du service bien fait et de la domesticité poussée à son paroxysme. Le village n'est pas loin, lui aussi, de sombrer corps et âme.

Déjà, son âme l'a quitté depuis belle lurette. Découpées au chalumeau les anciennes cuves, vendus les clayons, recyclées les machines, mortes aujourd'hui, vraisemblablement éteintes, les souffleries. Le pavé se fendille, le béton s'effrite, le bitume de la cour laisse place à l'herbe, à la végétation.

D'antiques objets rouillés gisent un peu partout. Et seule mon enfance et mon adolescence hantent encore ces lieux-là. Mais ce que je n'oublierai jamais, ce que j'emporterai avec moi dans la tombe et qui sans cesse travaillera mon âme, c'est le regard qu'avaient ceux qui, ce jour où je donnai mon congé, ont assisté à la scène : un mélange d'envie et de désespoir, un désir d'exprimer ce qu'ils ne pouvaient s'offrir le luxe de dire. En écrivant aujourd'hui ce livre que je porte depuis ces années-là, c'est aux yeux vides de ceux qui ne peuvent rendre leur tablier que je pense.

Michel Onfray
"Politique du Rebelle"
Traité de résistance et d'insoumission
Grasset - Paris 1997

vendredi 13 mai 2011

A adapter à la guitare (1)

Ca tombe sous les doigts. Il me semble que ça a été composé sur la guitare. Au moins concernant le thème principal et puis il l'a arrangé au piano.

mardi 10 mai 2011

Mrs. Winter's Jump (suite)


Avec un tempo lent et un son de violon une fois joué avec Muse Score.

dimanche 8 mai 2011

Alexandra David-Néel


Craquante non ? J'adore cette photo.


Et la voici vers la fin de sa vie.


Alexandra David-Neel par rikiai

samedi 7 mai 2011

La mort de Bouddha

Très bon livre sur le bouddhisme.


Le Maître est octogénaire. Vigoureux, infatigable, il a poursuivi, jusque-là, ses pérégrinations. C'est au milieu de celles-ci que lui vient le sentiment de sa fin prochaine.
«Écoutez-moi, frères, dit-il à ses disciples. toutes les choses composées doivent se désagréger. Travaillez avec diligence à votre délivrance. Je m'éteindrai sans retour avant peu. D'ici trois mois je serai mort.
«Mes années ont atteint leur terme, ma vie approche de sa fin. Je vous quitte je pars me reposant sur moi seul. Soyez diligents, mes Frères, soyez réfléchis. Soyez fermes dans vos résolutions. Veillez sur votre propre esprit. Celui qui ne se lasse pas mais se tient fermement à cette vérité et à cette voie, traversera l'océan de la vie et mettra un terme à la souffrance(1).»
Cet avertissement donné à ses fidèles compagnons, le Bouddha continue ses voyages et ses prédications.
«Le Bhagavan, après un séjour à Bhoga Gâma, se rendit à Pâva et s'arrêta dans un petit bois de manguiers appartenant à Kunda, artisan en métaux(2).
«Alors Kunda, l'artisan en métaux, ayant appris que le Bhaghavan était arrivé à Pâva et s'était arrêté dans son bois de manguiers, se rendit près de lui, le salua et s'assit, avec respect, d'un côté de lui(3).
«Quand il fut assis, le Bhaghavan l'instruisit, éveilla ses pensées et mit en lui de la joie par ses discours spirituels. Quand Kunda l'eut entendu, il s'adressa au Bhaghavan, disant: "Le Bhaghavan me fera-t-il l'honneur de prendre son repas chez moi avec les Frères ?" - Et le Bhaghavan, par son silence, manifesta son acceptation.
«Alors, Kunda, voyant que le Bhaghavan acceptait son invitation, se leva, s'inclina devant lui et s'en alla.»
Le lendemain, le Bouddha prit son repas chez Kunda et fut, ensuite, atteint d'une violente attaque de dysenterie(4), mais ayant projeté d'aller à Kousinara pour y prêcher, il refusa de s'arrêter et continua son voyage. Cependant, le vieux Maître (il avait quatre-vingt-un ans) avait trop présumé de ses forces. Il fit halte au bord de la route, près d'un bouquet d'arbres formé par trois santals.
«Plie mon manteau, Ananda, dit-il à son cousin, et étends-le sous moi. Je suis las et je veux me reposer.»
Songeant, alors, aux reproches que ses disciples pourraient être tentés de faire à Kunda, au sujet du repas, cause immédiate de ses souffrances et, il le prévoyait, de sa mort, il appela son cousin Manda et lui commanda de veiller à ce que nul ne trouble son dernier hôte à son sujet. Un peu reposé, faisant un dernier effort, le Bouddha poursuivit son chemin et arriva au bord de la rivière Hiranyavati dans un petit bois de salas(5) et, là, la fatigue le reprit.
«Je suis las, Ananda, prépare-moi une couche. Je voudrais m'étendre.»
Il y avait, dans ce lieu, rapportent les histoires du récit canonique, une sorte de table basse ou de large banquette en pierre(5) ombragée par trois santaliers. Ananda y étendit une couverture et le Bouddha se coucha, calme, l'esprit lucide en pleine possession de lui-même.
Siddhârtha Gautama était arrivé à l'ultime étape de sa longue carrière. Son cousin s'informe:
«Maître, comment devons-nous agir envers votre dépouille ?»
Ce souci d'honorer un mort vénéré en lui faisant de dignes funérailles, peut convenir au zèle pieux d'hommes du monde et témoigne, de sentiments louables; mais le véritable philosophe que doit être un disciple du Bouddha, pénétré de sa doctrine, a rejeté avec la sentimentalité vaine l'attachement aux rites qui la manifestent. Il peut regarder un cadavre sans le dissimuler sous des fleurs, et traiter comme amas négligeable de chairs en décomposition la forme qui fut un Maître admiré et aimé.
«Que les Frères ne s'inquiètent point de lui rendre des honneurs. Ananda. Soyez zélés, je vous en supplie. Ananda, à votre propre intérêt. Dévouez-vous à votre propre bien. Il y a des hommes sages parmi les nobles et les Brahmines. des chefs de famille qui croient en moi. Ils s'occuperont de mes funérailles.»
Mais la douleur du disciple est trop profonde. Il se retire à l'écart pour lui donner libre cours:
«Hélas je demeure et le Maitre s'en va, alors que j'aurais encore tant à apprendre de lui»
Le Bouddha, remarquant l'absence de son parent et en comprenant la cause, le fait appeler. Quand il est près de lui, il lui reproche, doucement, le trouble où sa mort le jette.
«Assez. Ananda ! Ne te trouble pas. Ne t'ai-je pas dit souvent qu'il est dans la nature des choses qui nous sont les plus proches et les plus chères que nous devions nous en séparer, les quitter. nous en priver ? - Comment serait-il possible. Ananda, que ce qui est né, amené à l'existence, composé, qui contient, inhérent à soi-même, le principe de sa dissociation, comment serait-il possible qu'une telle chose ne se dissolve pas ? - Cela ne peut pas être.
«Depuis longtemps, Ananda. tu as été très proche de moi par des actes, des paroles, des pensées d'affection, de bienveillance. Tu as fait le bien. Persévère avec vigilance et, bientôt, tu seras délivré des grands maux, la sensualité, la croyance en l'individualité, l'illusion, l'ignorance.»
Puis, il se présenta encore un religieux, appartenant à une autre secte, nommé Soubhada. Il avait entendu parler du Bouddha et ayant appris qu'il s'était arrêté dans le bois de santaliers, il souhaitait le voir pour élucider certains de ses doutes philosophiques. Les disciples voulaient l'éconduire pour épargner à leur Maître a fatigue (l'une conversation, mais celui-ci, les ayant entendus, appela Manda et lui commanda de laisser approcher le religieux.
«Ne renvoyez pas Soubhada. Quoi qu'il veuille me demander. C'est animé d'un désir de s'instruire qu'il veut m'interroger et non pour me causer de l'ennui. Je dois donc répondre à ses questions.»
Écartant, bientôt, les dissertations oiseuses de Soubhada, le Bouddha développe en un discours abrégé de la première prédication la vie de droiture fondement de sa doctrine et, convaincu qu'il a rencontré une vérité supérieure à celle des métaphysiciens, des rhéteurs ou des Brahmines ritualistes, Soubhada le prie de l'admettre parmi ses disciples.
Enfin, le Bouddha, sachant combien est difficile à l'homme la destruction de tout attachement idolâtre, le rejet de toute dévotion sentimentale, connaissant son besoin de Dieux anthropomorphisés ou de Maîtres humains déifiés, son incapacité à vivre seul sa vie spirituelle, s'adresse à Ananda:
«Il se pourrait Ananda que cette pensée naisse en vous: "La parole du Maître n'est plus: nous n'avons plus de Maître." Ce n'est point ainsi qu'il faut penser. La vérité, la doctrine que je vous ai enseignée à tous, voilà votre Maître lorsque j'aurai disparu.»
Une phrase dépourvue d'emphase, rappelant, une fois de plus, cette loi de la perpétuelle transformation des agrégats, qui servit de thème à tant de ses discours, clôt la prédication du Maître. Les Sages n'accordent pas à la mort l'importance que lui prête le vulgaire et il y a longtemps que celui dont la forme visible va disparaître a contemplé, par-delà les bornes de la vie et de la mort, la véritable face de l'existence.
«Écoutez-moi, mes frères, je vous le dis, la dissolution est inhérente à toutes les formations ! Travaillez sans relâche à votre délivrance»
Ce furent ses dernières paroles. Quelques jours après, au soleil levant, les nobles(7) de Kousinara élevaient un bûcher aux portes de la ville et y brêlaient la dépouille du Bouddha avec le cérémonial usité pour les rois.


(1). Mahâ Parinibbâna Sutta, III. 66.
(2). Kunda est généralement considéré comme étant un forgeron, mais cet «artisan en métaux» peut tout aussi bien avoir été un orfèvre ou un chaudronnier. Il n'appartenait probablement pas à l'une des trois classes sociales supérieures de la société hindoue.
(3). C'est-à-dire: pas en face de lui. Il était considéré comme un manque de respect de regarder quelqu'un de face. II fallait se placer de façon à le voir de profil.
(4). La nature du mets qui avait été servi au Bouddha à ce repas et qui, s'il n'avait directement causé sa mort, avait pourtant aggravé le mal qui lui avait fait envisager sa fin prochaine, a donné lieu à de nombreuses discussions. Certains ont cru qu'il s'agissait de sanglier, mais cette opinion n'a pas cours parmi les Indiens familiers avec les mets de leur pays et aussi avec ceux que l'usage permet d'offrir à un yogui. Il ressort de ces discussions que le plat dont le Bouddha mangea consistait en des champignons ou en un autre végétal dont les sangliers sont friands et qui, pour cette raison, était appelé «délices du sanglier». Les textes pâlis l'appellent sukara inaddava.
(5). Le santalier blanc.
(6). Ces banquettes se rencontrent, de distance en distance, sur le bord des routes où le portage se fait à dos d'homme. Les porteurs s'y reposent en se déchargeant de leur fardeau ou en appuyant seulement celui-ci sur la banquette tandis qu'eux-mêmes restent debout, le dos appuyé contre le bord de la banquette, et se soulagent, ainsi, du poids de leur charge.
(7) Par nobles, tout au cours de ces textes, il faut entendre les Kshatriyas, la caste laquelle le Bouddha appartenait.

vendredi 6 mai 2011

Communiquer avec les animaux

Jean-Pierre Laval, un coureur des bois pas comme les autres

Extrait d'un des meilleurs épisodes de cette fabuleuse série d'émissions diffusée la nuit. A ne pas confondre avec celle sur la chasse ! Erreur que font beaucoup de gens d'après ce que j'ai constaté. Il s'agit de deux philosophies différentes.

Source : TF1  (Histoires naturelles : Grains de folie)


Manuel Maria Ponce - Prélude N°1




mercredi 4 mai 2011

Lire les tablatures de Luth (exemple)



La tablature française de luth (la plus répandue pour cet instrument) utilise des lettres au lieu de chiffres. Le "a" représente une corde à vide, le "b" la 1re case, et ainsi de suite. Pour éviter les confusions entre "c" et "e", on trouve souvent un "r" à la place du "c" pour la 2e case. Pas de "j" ressemblant trop au "i".
Pour représenter le rythme, on utilise le symbole des hampes de la notation musicale classique en les simplifiant : un trait à la verticale du chiffre signale une noire, deux notes dont les traits verticaux ont un crochet droit ou sont reliés à l'extrémité par un trait horizontal sont des croches, etc. L'absence de trait signifie que le chiffre représente une blanche.
La dynamique (forte, crescendo, etc.) utilise aussi les conventions de la notation musicale classique.
Source Wikipedia


- o - o - o -


Source : http://www.gerbode.net



- o - o - o -





Source : http://www.gerbode.net



lundi 2 mai 2011

Attention concentrée et sagesse


Traité Bouddhiste

Un extrait pour illustrer la profondeur de ce texte ancien :
[...] 7. Cause des renaissances.

— Nâgasena, se peut-il qu'un homme mort ne renaisse pas ?

— L'un renaît, l'autre ne renaît pas. Celui qui est affecté de passions renaît ; celui qui en est dépouillé ne renaît pas.

— Et toi, Vénérable, renaîtras-tu ?

— Si je conserve de l'attachement, je renaîtrai ; si j'en suis débarrassé, je ne renaîtrai pas.


8. Moyens de délivrance.

— Est-ce par l'attention concentrée qu'on échappe à la renaissance ?

— Par l'attention concentrée, par la sagesse et par les autres états d'âme salutaires.

— Mais l'attention concentrée n'est-elle pas la même chose que la sagesse ?

— Non, ce sont deux choses différentes : l'attention concentrée se rencontre chez les chèvres, les moutons, les bœufs, les buffles, les chameaux, les ânes, jamais la sagesse.


9. L'attention concentrée et la sagesse.

— Quelle est la caractéristique de l'attention concentrée et celle de la sagesse ?

— L'une se définit par la compréhension, l'autre par l'excision.

— Comment cela ? Donne-moi une comparaison.

— Tu connais les moissonneurs, mahârâja ?

— Je les connais.

— Comment moissonnent-ils l'orge ?

— De la main gauche ils saisissent un faisceau d'orge, de la main droite, armée d'une faucille, ils le coupent.

— De même, mahârâja, l'ascète par l'attention concentrée rassemble son esprit, et par la sagesse tranche les passions. C'est pourquoi l'une est caractérisée par la compréhension, l'autre par l'excision. [...]


J'ai découvert ce traité bouddhiste extrêmement intéressant grâce à cet article non moins intéressant de Catherine Segurane cet article www.agoravox.fr (Le Bouddhisme et l'occident)



Les Questions de Milinda (Milinda-pañha) se présentent comme un dialogue entre le moine bouddhiste Nâgasena et le roi grec de Bactriane Ménandre (en pali, Milinda) qui régna d’environ 155 à 130 av. J.-C.
Les sujets de la discussion abordent les principaux thèmes philosophiques du bouddhisme Theravada (Hînayâna) : l'impermanence, réalité de l'individu, identité de la personne, inexistence de l'âme comme principe substantiel, transmigration, karma, samsâra, nirvâna, ...
Les métaphores figurant dans ce dialogue ont souvent été reprises dans nombre d'ouvrages bouddhiques ou relatifs au bouddhisme.

"Le Milindapañha (pali), les questions de Milinda, est un petit traité du Canon pali qui relate l'entretien entre le roi indo-grec Ménandre Ier (Milinda) et le moine bouddhiste Nagasena. Le Milindapañha a probablement été composé dans les trois premiers siècles de notre ère. Il est parfois intégré au Khuddaka Nikaya.
Source : Wikipedia"

A lire en texte intégral en français : ici (www.lesquestionsdemilinda.org)


Méditation de la vision intérieure


Introduction

Le sujet de ce livre est la pratique de la méditation Vipassana (vision intérieure). Je répète : la pratique. C'est un manuel de méditation, un guide expliquant pas à pas comment faire fonctionner les rouages de la méditation de la vision intérieure. Il est fait pour être utilisé.

De nombreux ouvrages existent déjà sur le bouddhisme en tant que philosophie, et sur les aspects théoriques de la méditation bouddhique. Si c'est ce qui vous intéresse, nous vous invitons instamment à les lire. Nombre d'entre eux sont excellents. Ce livre est un "comment faire". Il est écrit pour ceux qui veulent réellement méditer et spécialement pour ceux qui veulent commencer maintenant.

Très peu d'instructeurs quaalifiés de la méditation de type bouddhique existent en Occident. Aussi notre intention est-elle de vous donner les éléments de base dont vous avez besoin pour commencer et vous permettre de décoller. Seuls ceux qui auront suivi ces instructions pourront nous dire si nous avons réussi. Seuls ceux qui méditent réellement, régulièrement et avec diligence, pourront juger notre effort. Toutefois, aucun livre ne peut couvrir tous les problèmes qu'un méditant risque de rencontrer. Le moment venu, il vous faudra un instructeur qualifié. Entre-temps, vous trouverez ici les règles de base. Une complète compréhension de celles-ci vous fera parcourir un très long chemin.

Il y a de nombreuses forme de méditations. Chaque grande tradition religieuse possède des techniques qu'elle appelle méditation, et le terme est souvent employé de manière vague/ Veuillez bien comprendre que ce manuel traite exclusivement de la méditation de type Vipassana, telle qu'elle est pratiquée et enseignée dans le bouddhisme d'Asie du Sud et du Sud-Est. Elle est souvent traduite par "méditation de la vision intérieure", car le but de cette pratique est de donner au méditant une vision intérieure de la nature de la réalité et une compréhension exacte des choses.

Le bouddhisme dans son entier est très différent des religions théologiques auxquelles les Occidentaux sont les plus habitués. C'est une entré directe dans un royaume spirituel ou divin, sans s'adresser à des divinités ou d'autres "agents". Son atmosphère est essentiellement "clinique", beaucoup plus proche de ce que nous appellerions normalement la psychologie que de ce que nous appelons d'habitude la religion. C'est une investigation constamment approfondie de la réalité, un examen au microscope du processus même de la perception. Son intention est de déchirer l'écran de mensonges et d'illusion à travers lequel nous voyons normalement le monde, et de révéler ainsi le visage de la réalité ultime. La méditation Vipassana est a cette fin une ancienne et élégante technique.
Le bouddhisme Théravadin (La forme la plus ancienne des enseignements du Bouddha) nous offre un système efficace pour explorer les couches profondes de l'esprit, jusqu'à la racine même de la conscience. Il offre aussi un système considérable de pratiques dévotes et de rituels au sein desquels ces techniques sont contenues. Cette belle tradition est le résultat naturel de deux mille cinq cents ans de développement dans les cultures éminemment traditionnelles de l'Asie du Sud et du Sud-Est.

Dans cet ouvrage, nous mettrons tout notre effort à séparer le fondamental de l'ornemental et à présenter seulement la vérité pure et nue. Les lecteurs ayant une inclination envers les rituels peuvent étudier les pratiques du Théravada dans d'autres livres. Ils y trouveront un vaste trésor de cérémonial et de coutumes, une riche tradition pleine de beauté et de signification. Ceux plus portés à un esprit clinique peuvent simplement utiliser les techniques elles mêmes, en les appliquant dans un contexte philosophique ou émotionnel choisi. La pratique présentée ici se suffit à elle-même.
La distinction entre la méditation Vipassana et d'autres types de méditation est cruciale et doit être comprise complètement. Le bouddhisme en comporte deux type majeurs. Ils correspondent à des capacités mentales, des modes de fonctionnement ou des qualités de la conscience différents. En pali, la langue originale des écritures du Théravada, ils sont appelés "Vipassana" et "Samatha".

Samatha peut être traduit par "concentration" ou "tranquillité". C'est un état dans lequel l'esprit est amené à se tenir concentré sur un objet unique et sans qu'il lui soit permis de s'en éloigner. Quand c'est accompli, un calme profond se répand dans le corps et l'esprit, un état de tranquillité qui doit être ressenti pour être compris. La plupart des systèmes de méditation insistent sur la composante Samatha. Le méditant concentre son esprit sur un objet donné, par exemple, un chant, la flamme d'une bougie, une image religieuse ou quelque autre objet que ce soit, et il exclut toute autre pensée ou perception de sa conscience. Il en résulte un état de ravissement qui dure jusqu'à ce que le méditant interrompe sa méditation. C'est beau, délicieux, significatif et tentant, mais temporaire. La méditation Vipassana concerne l'autre composante : la vision intérieure.

Vipassana peut être traduit par "vision intérieure". C'est une conscience claire et exacte de ce qui se passe pendant que cela se passe. Le méditant Vipassana utilise sa concentration comme un outil grâce auquel sa conscience peut effriter petit à petit le mur d'illusions qui le sépare de la lumière vivante de la réalité. C'est un processus progressif de constante croissance de la conscience et de la perception des mécanismes intérieurs de la réalité même. Cela prend des années, mais un jour le méditant perce le mur et tombe sur la présence de la lumière. La transformation est complète. On l'appelle Libération, et elle est permanente.

La libération est le but de tous les systèmes de pratique bouddhiques. Mais les chemins pour l'atteindre sont très divers.


Au sein du bouddhisme existe un nombre considérable de sectes distinctes. Elles se divisent en deux larges courants de pensée : le Mahayana et le Téravada.
• Le bouddhisme Mahayana prédomine en Extrême-Orient, colorant les cultures de la Chine, de Corée, du Japon, du Népal, du Tibet et du Viêt-nam. Le plus largement connu parmi les systèmes mahayanistes est le zen, pratiqué principalement au Japon, en Corée, au Viêt-nam et aux États-Unis.
• Le système Théravadin prévaut en Asie du Sud et du Sud-Est, à Ceylan, en Thaïlande, en Birmanie, au Laos et au Cambodge.

Ce manuel concerne la pratique du Théravada.

Les écritures traditionnelles du Théravada décrivent les deux techniques de Samatha ("concentration" et "tranquillité de l'esprit") et de Vipassana ("vision intérieure" ou "claire conscience").
Dans les écritures, quarante sujets différents de méditation sont décrits. Ils sont recommandés en tant qu'objet de concentration et sujets d'investigations menant à la vision intérieure. Étant donné que le présent ouvrage est un manuel de base, nous limiterons notre discussion au plus fondamental des sujets recommandés : la respiration.

Notre propos constitue une introduction à l'obtention de l'Attention (Sati en pali), au moyen de l'attention pure et de la compréhension claire, portées sur le processus complet de la respiration. En utilisant la respiration comme objet principal pour la concentration de son attention, le méditant exerce une observation "participative" sur la totalité de son propre univers de perception. Il apprend à observer les changements qui se produisent dans ses expériences physiques, ses sensations, ses émotions, ses perceptions. Il apprend à étudier ses propres activités mentales et les fluctuations dans le caractère de la conscience elle-même. Tous ces changements se produisent perpétuellement et sont présents à chaque moment de nos expériences.

La méditation est une activité vivante, une activité dont l'essence même est expérimentale. Elle ne peut pas être enseignée comme un sujet purement scolaire. Le coeur vivant du processus doit venir de l'expérience personnelle propre à l'instructeur. Néanmoins, il existe un vaste fonds d'enseignements codifiés sur le sujet, qui est l'œuvre de certains des êtres humains les plus intelligents et les plus profondément illuminés ayant jamais foulé le sol de cette planète.
Cette littérature mérite notre attention.
La plupart des points indiqués dans ce manuel sont tirés du Tipitaka, l'ouvrage de compilation en trois parties dans lequel ont été préservés les enseignements originaux du Bouddha. Le Tipitaka comprend :
• le Vinaya qui est le code de discipline pour les moines, les nonnes et les laïcs,
• les Suttas qui sont des discours publics attribués au Bouddha,
• et l'Abhidharmma qui est un ensemble de profonds enseignements psycho-philosophiques.

Au Ier siècle de l'ère chrétienne, un éminent érudit bouddhiste appelé Upatissa écrivit le Vimuttimagga (le Chemin de la Liberté) dans lequel il résuma l'enseignement du Bouddha sur la méditation. Au Ve siècle, un autre grand érudit, Buddhaghosa, couvrit le même sujet en une seconde thèse scolastique, le Visuddhimagga (Le Chemin de la Purification), qui constitue encore aujourd'hui le texte standard sur la méditation. Les instructeurs modernes s'appuient sur le Tipitaka et sur leur propre expérience. Notre intention est de vous offrir les instructions les plus claires et les plus concises. Mais ce manuel vous ouvre seulement la porte. Il dépend de vous de faire quelques pas sur la route de la découverte de votre être et de ce que cela signifie. C'est un voyage qui vaut la peine. Nous vous souhaitons de réussir.