Ce texte de jeunesse est présenté par Schopenhauer dans son oeuvre majeure, "Le monde comme volonté et représentation", comme un pré-requis. Il y fait allusion souvent. Expliquant qu'il ne compte pas revenir sur ce qu'il a déjà expliqué ici. Cela prouve a quel point il est conscient et certain d'avoir trouvé une/la vérité
"DE LA QUADRUPLE RACINE
DU PRINCIPE DE LA RAISON SUFFISANTE"
Je passe le chapitre II car il est truffé de références à des textes grecques et latins on verra si je peux en faire quelque chose car le tour d'horizon des philosophes doit être enrichissant. Il faut bien dire que ce "principe de raison suffisante" est assez difficile à cerner... Selon wikipedia :
Le Principe de raison suffisante est un principe philosophique (ou axiome). Dans sa formulation originelle, par Leibniz, il stipule que « jamais rien n'arrive sans qu'il y ait une cause ou du moins une raison déterminante, c'est-à-dire qui puisse servir à rendre raison a priori pourquoi cela est existant plutôt que non existant et pourquoi cela est ainsi plutôt que de toute autre façon » (Théodicée, I, 44).
CHAPITRE III
INSUFFISANCE DE L'EXPOSÉ QU'ON EN A FAIT JUSQU'lCI ET ESQUISSE D'UN EXPOSÉ NOUVEAU
§ 15. Cas qui ne rentrent pas dans les acceptions du principe exposées jusqu'a ce jour.
De l'examen que nous ayons présenté dans le chapitre précédent, il ressort comme résultat général que l'on a distingué deux applications du principe de la raison suffisante, bien que cela ne se soit fait que graduellement, avec un retard surprenant, et non sans être retombé à plusieurs reprises dans des confusions et des erreurs : l'une est son application, aux jugements, qui, pour être vrais, doivent toujours avoir une raison; l'autre, aux changements des objets réels,qui doivent toujours avoir une cause. Nous voyons que, dans les deux cas, le principe de la raison-suffisante nous autorise à poser la question : "pourquoi ?" et cette propriété lui est essentielle. Mais tous les cas où nous avons le droit de demander pourquoi sont-ils bien contenus dans ces deux relations ?
Quand je demande : Pourquoi, dans ce triangle,les trois côtés sont-ils égaux? La réponse est : Parce que les trois angles le sont, Or égalité des angles est-elle la cause de celle des côtés? Non, car il ne s'agit ici d'aucun changement, par conséquent d'aucun effet, qui doive avoir une cause. Est-elle un simple principe de connaissance? Non, car l'égalité des angles n'est pas simplement la preuve de l'égalité des cotes, la simple raison d'un jugement : on ne pourrait jamais comprendre au moyen de pures notions que, lorsque les angles sont égaux, les côtés le doivent être également; car, dans la notion d'égalité des angles, n'est pas contenue la notion d'égalité des côtés.
Ce n'est donc pas ici une relation entre des notions ou entre des jugements, mais entre des côtés et des angles. L'égalité des angles n'est pas le principe immédiat de la connaissance de l'égalité des.côtés, elle n'en est que le principe médiat, vu qu'elle est pour les côtés la cause d'être de telle façon, dans le cas présent d'être égaux : parce que les angles sont égaux, les côtés doivent être égaux.
Il y a ici une relation nécessaire entre angles et côtés, et non pas immédiatement une relation nécessaire entre des jugements. Ou bien encore, lorsque je demande pourquoi infecta facta, et jamais facta infecta fieri possunt, c'est-à-dire pourquoi le passé est absolument irréparable et l'avenir infaillible, cela ne peut se démontrer par la logique pure, par de simples notions.
Cela n'est pas non plus affaire de causalité, car celle-ci ne régit que les événements dans le temps, et non le temps lui-même. Ce n'est pas en vertu de la causalité, mais immédiatement, par le fait seul de son existence, dont l'apparition est néanmoins infaillible, que l'heure présente a précipité celle qui vient de s'écou1er, dans l'abîme sans fond du passé, et l'a anéantie à jamais. Cela ne se peut comprendre ni expliquer par de pures notions ; nous le reconnaissons tout immédiatement et par intuition, tout comme la différence entre la droite et la gauche et ce qui en dépend, par exemple pourquoi le gant gauche ne va pas à la main droite.
Puisque tous les cas dans lesquels le principe de la raison suffisante trouve son application ne se laissent pas ramener a celui de principe logique et conséquence et a celui de cause et effet, il faut que dans cette classification on n'ait pas suffisamment tenu compte de la loi de spécification. Cependant la loi d'homogénéité nous oblige de supposer que ces cas ne peuvent pas varier à l'infini, mais qu'ils doivent pouvoir être ramenés à un certain nombre d'espèces. Avant que je tente de procéder à cette classification, il est nécessaire d'établir le caractère particulier, qui appartient en propre, dans tous les cas, au principe de la raison suffisante; car il faut toujours fixer la notion du genre avant celle des espèces.
§ 16. De la racine du principe de la raison suffisante.
Notre faculté de connaissance, se manifestant comme sensibilité externe et interne (réceptivité), comme entendement et comme raison, se décompose en sujet et objet et ne contient rien au delà. Etre objet pour le sujet ou être notre représentation, c'est la même chose.
Toutes nos représentations sont objets du sujet, et tous les objets du sujet sont nos représentations. Or il arrive que toutes nos représentations sont entre elles dans une liaison régulière que l'on peut déterminer à priori, en ce qui touche la forme; en vertu de cette liaison, rien d'isolé et d'indépendant, rien d'unique et de détaché, ne peut devenir notre objet. C'est cette liaison qu'exprime le principe de la raison suffisante, dans sa généralité.
Bien que cette relation, comme nous pouvons le voir par ce qui a été dit jusqu'ici, revête des formes diverses, selon la diversité d'espèce des objets que le principe de la raison exprime alors à son tour par des dénominations différentes, "cependant elle conserve toujours ce qui est commun à toutes ces formes et. ce qu'affirme notre principe, pris dans son sens général et abstrait.
Ce que j'ai nommé la racine du principe de la raison suffisante, ce sont donc ces relations qui en forment la base, et que nous aurons à exposer plus en détail dans ce qui va suivre. En les examinant de plus près et conformément aux lois d'homogénéité et de spécification, nous verrons qu'elles se divisent en plusieurs espèces, très différentes les unes des autres, dont le nombre peut se ramener à quatre, selon les quatre classes dans lesquelles rentre tout ce qui peut
devenir objet pour nous, par conséquent toutes nos représentations.
Ce sont ces quatre classes que nous exposerons et étudierons dans les quatre prochains chapitres. Nous verrons, dans chacune de ces classes, le principe de la raison suffisante apparaître sous une autre forme ; mais, en même temps, nous le verrons se manifester comme le même et comme issu de la racine que je viens d'indiquer, en ce qu'il admet partout l'énonciation exposée au commencement de ce paragraphe.
Source : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5400813b