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jeudi 10 mars 2016

La volonté est elle une fiction ? J. Marlein



La volition est un acte par lequel la volonté se détermine à quelque chose. Autrement dit, elle désigne l'aboutissement d'un processus par lequel l'être humain use de la volonté.
C'est l'événement par lequel l'individu « se met en mesure d'agir » en vue d'un résultat, interne ou externe. En langage courant, on pourrait l'assimiler à la formulation d'un choix.
La volition vise à la production d'un changement et se traduit en action. Il faut distinguer la volition de la volonté, bien que le terme soit parfois employé pour désigner la volonté elle-même. La volonté est une faculté, tandis que la volition est l'acte concret et particulier qu'effectue la volonté dans une situation donnée.
En simplifiant, la volition serait l'effet d'une cause, et cette cause serait la volonté.
Source : Wikipedia

mardi 15 juillet 2014

La volonté chez Schopenhauer



Arthur Schopenhauer a développé le concept de «volonté de vivre» (Wille zum Leben) comme un principe universel définissant la lutte fondamentale de chaque espèce pour réaliser le type qui lui est propre.

Ce vouloir-vivre spécifique passe inévitablement par un conflit constant avec les autres espèces pour préserver une forme de vie définie. La notion de «volonté de vie» n'est pas à dissocier de la notion de «volonté» chez Schopenhauer : «c'est une même chose et un simple pléonasme quand nous disons la «Volonté de vivre» au lieu de dire la «Volonté tout court».

Bichat, physiologiste français, avait lui aussi formé le concept de «vie organique», en le distinguant de celui de « vie animale », de la même façon que la volonté s'oppose à l’intellect pour Schopenhauer.

La Volonté, selon Schopenhauer, est la «chose en soi» cachée dans la profusion des phénomènes, elle est l'essence intime du monde. C'est une force, ou plutôt une puissance, aveugle et absurde, un principe dépourvu de savoir et de connaissance (au sens courant de ce terme).

Le tempérament, ou le caractère individuel fondamental (caractère qui avant d'être « individuel » est «spécifique»), se rapporte à cette Volonté originaire que ni l'habitude, ni l'éducation ne peuvent venir fondamentalement modifier. La connaissance ne s'y surajoute que par accident (selon la contingence du devenir), pour aboutir aux manifestations les plus complexes de la nature : les animaux et les êtres humains.

Cette volonté de vivre est libre (inconditionnée) dans son «être en soi», mais pas dans ses manifestations phénoménales : elle est toujours strictement soumise au principe de causalité (qui s'exerce sous la forme de l'excitation pour les végétaux et de la motivation pour les animaux et l'homme).

Il ne s'agit toutefois pas d'une idée ou d'une représentation du monde qui nous conduirait à aimer la vie, puisqu'au contraire elle s'impose d'abord à nous avec une puissance telle qu'on ne saurait décider arbitrairement de lutter contre elle, et c'est justement sous son impulsion presque irrésistible que nous en déduisons généralement ensuite -mais néanmoins par illusion- que la vie a de la valeur.

Selon Schopenhauer, seuls le sentiment esthétique, l'ascétisme religieux et la compassion pour toute la douleur du Monde, permettent de l'atténuer très partiellement, et d'échapper ainsi à la souffrance ou à la haine qu'elle ne peut manquer de susciter chez qui dispose d'un minimum de lucidité intellectuelle.

La volonté sur Wikipedia dans la philosophie ICI

vendredi 21 mars 2014

mercredi 12 mars 2014

L’origine de l’instinct (Alfred Fouillée)

"L’étude de l’instinct a un intérêt particulier pour le philosophe, parce que l’instinct est sur la limite commune du mécanisme et de l’intelligence. Les religions antiques voyaient dans l’instinct une sorte de mystère divin : le culte des animaux eut en partie son origine dans l’étonnement causé par la sagesse muette des bêtes, qui semblait supérieure à l’intelligence même de l’homme : instinct, génie, divination, semblaient choses voisines, révélant la présence d’un dieu."
Lien

mardi 2 octobre 2012

Schopenhauer : La tyrannie du vouloir vivre


Imprégné de Platon et de Kant, Schopenhauer fut profondément marqué par la découverte du bouddhisme. «À dix-sept ans, je fus saisi par la détresse de la vie, comme le fut Bouddha dans sa jeunesse.» Athée, il cherche le salut dans l’abandon de tout désir, et l’accession au nirvana.

Schopenhauer reprend, à sa façon, la distinction kantienne entre le phénomène et la chose en soi. Le monde se révèle de deux manières. Connu à distance, comme un objet distinct de nous, à travers le prisme de l’intelligence, il est phénomène. C’est le monde comme ­re-présentation.

Il apparaît alors régi par des principes: individuation (les êtres sont séparés les uns des autres par l’espace et le temps); causalité (ils sont liés par des relations de cause à effet); principe de raison suffisante (rien n’est sans raison). Mais ces catégories ne sont qu’un voile, non le fond des choses; la représentation n’est qu’apparence.

Car en deçà de ces catégories imposées par l’esprit, des relations que nous établissons entre les choses, en deçà du quadrillage que nous lui appliquons pour l’utiliser, le monde existe en soi. Et, à la différence de Kant, Schopenhauer affirme que nous avons accès à cet en-soi. Nous le saisissons tel qu’en lui-même par l’intuition immédiate, où nous ne faisons plus qu’un avec lui.

La nature de l’être en soi se révèle d’abord dans l’épreuve que nous faisons de nous-mêmes: l’être est vouloir-vivre* – tension fondamentale qui nous entraîne de désir en désir, sans que nous puissions l’arrêter. Nous ne sommes pas maîtres de la volonté, c’est elle qui agit en nous, elle qui motive inconsciemment nos représentations, elle qui détermine nos désirs.

Cette tension est à l’œuvre aussi dans les choses: tout l’univers est la manifestation du vouloir-vivre, principe unique, aveugle, anonyme, universel. En lui, du minéral à l’animal, tout est un. L’individualité (principe de la représentation) n’est qu’une apparence: par la racine de notre être, nous sommes en union avec tous les autres.
Manque perpétuel, le vouloir-vivre est essentiellement souffrance. Puissance sans intelligence, il est sans raison, il veut pour vouloir, ses objets sont secondaires. La vie par conséquent n’a pas de sens, pas de but ultime; et pour cesser de souffrir, il faudrait cesser de vouloir.

C’est notre conduite morale qui constitue la seconde voie. En manifestant notre unité avec autrui, le sentiment de pitié* prouve l’unité de tous les êtres dans la volonté. Ta souffrance est la mienne – celle du vouloir-vivre. L’ego n’est qu’une illusion dont il faut se libérer. L’égoïsme et la sexualité reproductrice doivent donc faire place à la compassion et à l’amour, renoncement à la tyrannie du vouloir.

* Au-delà, le stade ultime de libération consiste en la négation absolue de la volonté: celui qui renonce à tout désir atteint ainsi un état mystique de renonciation à son individualité: le nirvana – qui n’est un néant que pour celui qui croit encore que ce monde-ci est quelque chose!

Source : http://www.keepschool.com Je recommande la fin de cette vidéo : ICI


841 LA TYRANNIE DU VOULOIR OU SARKOZY-SCHOPENHAUER par latelelibre

Schopenhauer sur le libre arbitre : Ici (très intéressant)

dimanche 12 août 2012

Arthur Schopenhauer : la vie de l'homme (audio)

Le monde comme volonté et comme représentation

dimanche 24 juin 2012

Prajñâ (notion Bouddhiste importante)


Références occidentales[modifier]

Les premières traductions en Occident du terme de prajñâ adoptent le mot de "sagesse", ce qui ne recouvre pas exactement tous les sens de prajñâAlexandra David-Néel emploie la première le terme de "connaissance transcendante" (titre d'un de ses ouvrages), repris ensuite par Prajñānanda dans ses différentes études. On parle de "connaissance transcendante" car cette connaissance est supposée transcender les phénomènes. Ce terme se trouve déjà chez Schopenhauer :
La connaissance transcendante est celle qui, procédant en dehors de toute possibilité de l'expérience, s'efforce de déterminer l'essence des choses telles qu'elles sont en elles-mêmes. La connaissance immanente, en revanche, est celle qui reste dans les limites de la possibilité de l'expérience et ne peut par conséquent parler que de phénomènes. (Parerga et Paralipomena, Sur la doctrine de l'indestructibilité de notre être réel par la mort, § 141)
Un autre concept voisin, introduit par le swâmi Siddheswarânanda (et utilisé comme titre d'un de ses ouvrages français), est celui d'intuition métaphysique.

mercredi 23 mai 2012

Schopenhauer et la pensée Indienne

Pas encore lu mais je le note sur le blog en prévision.
 «Je ne crois pas, je l'avoue, que ma doctrine aurait pu se constituer avant que les Oupanichads, Platon et Kant aient pu jeter ensemble leurs rayons dans l'esprit d'un homme ».


Schopenhauer et la pensée indienne de Lakshmi Kapani   -   ISBN : 9782705681456

PRÉSENTATION : Le but de ce livre est de combler une lacune philosophique et philologique. Le lecteur est frappé, en effet, de constater que beaucoup d’études consacrées à Schopenhauer, tantôt contournent les nombreuses allusions faites par le philosophe à des textes brahmaniques et bouddhiques, tantôt se bornent à répéter le texte même de Schopenhauer, sans prendre une distance critique, faute de connaître les textes en question dans leur version originale. Il fallait donc fournir des références précises des textes sanskrits avec les explications requises, en situant les textes et les notions philosophiques dans leur contexte, afin de rétablir une interprétation plus juste. En effet, l’intégration des données indiennes dans sa propre philosophie, cette espèce de greffe qu’opère Schopenhauer n’a pas toujours réussi. C’est pourquoi il y a lieu de s’interroger sur les causes de cet échec et de rectifier les erreurs de l’interprétation qui court encore même sous des plumes éminentes. Au lieu de lire l’œuvre d’Arthur Schopenhauer à travers des lunettes indiennes, ayant les catégories de la pensée indienne présentes à l’esprit, ou encore, au lieu de poser la question d’une influence éventuelle, on a plutôt cherché dans cet ouvrage à souligner l’originalité de sa réflexion philosophique et de revoir sa propre contribution dans l’histoire des idées. En tout cas, cette référence constante de Schopenhauer à la pensée brahmanique et bouddhique et sa place significative dans son œuvre sont loin d’être purement anecdotique et décorative. Quelles furent alors les causes de son attirance et de sa fascination pour les philosophies, les religions et les sagesses de l’Inde ? – Le lecteur trouvera ici des éléments de réponse à cette question pertinente.

AUTEUR : Lakshmi Kapani, docteur ès lettres et sciences humaines (Paris IV-Sorbonne, 1987), est professeur émérite de philosophie indienne et comparée à l’université de Paris X-Nanterre. Elle est notamment l’auteur de La notion de samskara dans l’Inde brahmanique et bouddhique (Collège de France, 1992). 252 pages - 14 x 21 - 2011
 http://www.editions-hermann.fr/

lundi 13 février 2012

un petit bruit était venu de la chambre du mort...


"AUPRÈS D'UN MORT" DE MAUPASSANT

Un petit texte amusant qui relate la mort de Schopenhauer ici

dimanche 12 février 2012

...au rôle du bouffon



" La vie de chacun de nous, à l'embrasser dans son ensemble d'un coup d'œil, à n'en considérer que les traits marquants, est une véritable tragédie ; mais quand il faut, pas à pas, l'épuiser en détail, elle prend la tournure d'une comédie.

Chaque jour apporte son travail, son souci ; chaque instant, sa duperie nouvelle ; chaque semaine, son désir, sa crainte ; chaque heure, ses désappointements, car le hasard est là, toujours aux aguets pour faire quelque malice ; pures scènes comiques que tout cela.

Mais les souhaits jamais exaucés, la peine toujours dépensée en vain, les espérances brisées par un destin impitoyable, les mécomptes cruels qui composent la vie entière, la souffrance qui va grandissant, et, à l'extrémité du tout, la mort, en voilà assez pour faire une tragédie.

On dirait que la fatalité veut, dans notre existence, compléter la torture par la dérision ; elle y met toutes les douleurs de la tragédie ; mais, pour ne pas nous laisser au moins la dignité du personnage tragique, elle nous réduit, dans les détails de la vie, au rôle du bouffon. "


Comme le dit Onfray dans ses cours il ne faut pas réduire ce philosophe à son pessimisme. Ne sourtout pas sombrer dans ce piège trop facile et se priver de l'ensemble de sa pensée. Reste que je me régale de ce genre de déclaration. Ca fait du bien. Bien + de joie que ces discours optimistes qu'on lit partout. Moi ça me rend joyeux.

Site consacré à Schopenhauer : http://christophe.faveaux.free.fr/

dimanche 24 juillet 2011

Arthur Schopenhauer (Thèse de doctorat) (4)

Ce texte de jeunesse est présenté par Schopenhauer dans son oeuvre majeure, "Le monde comme volonté et représentation", comme un pré-requis. Il y fait allusion souvent. Expliquant qu'il ne compte pas revenir sur ce qu'il a déjà expliqué ici. Cela prouve a quel point il est conscient et certain d'avoir trouvé une/la vérité
"DE LA QUADRUPLE RACINE 
DU PRINCIPE DE LA RAISON SUFFISANTE"


Je passe le chapitre II car il est truffé de références à des textes grecques et latins on verra si je peux en faire quelque chose car le tour d'horizon des philosophes doit être enrichissant. Il faut bien dire que ce "principe de raison suffisante" est assez difficile à cerner... Selon wikipedia :
Le Principe de raison suffisante est un principe philosophique (ou axiome). Dans sa formulation originelle, par Leibniz, il stipule que « jamais rien n'arrive sans qu'il y ait une cause ou du moins une raison déterminante, c'est-à-dire qui puisse servir à rendre raison a priori pourquoi cela est existant plutôt que non existant et pourquoi cela est ainsi plutôt que de toute autre façon » (Théodicée, I, 44).


CHAPITRE III

INSUFFISANCE DE L'EXPOSÉ QU'ON EN A FAIT JUSQU'lCI ET ESQUISSE D'UN EXPOSÉ NOUVEAU


§ 15. Cas qui ne rentrent pas dans les acceptions du principe exposées jusqu'a ce jour.

De l'examen que nous ayons présenté dans le chapitre précédent, il ressort comme résultat général que l'on a distingué deux applications du principe de la raison suffisante, bien que cela ne se soit fait que graduellement, avec un retard surprenant, et non sans être retombé à plusieurs reprises dans des confusions et des erreurs : l'une est son application, aux jugements, qui, pour être vrais, doivent toujours avoir une raison; l'autre, aux changements des objets réels,qui doivent toujours avoir une cause. Nous voyons que, dans les deux cas, le principe de la raison-suffisante nous autorise à poser la question : "pourquoi ?" et cette propriété lui est essentielle. Mais tous les cas où nous avons le droit de demander pourquoi sont-ils bien contenus dans ces deux relations ?

Quand je demande : Pourquoi, dans ce triangle,les trois côtés sont-ils égaux? La réponse est : Parce que les trois angles le sont, Or égalité des angles est-elle la cause de celle des côtés? Non, car il ne s'agit ici d'aucun changement, par conséquent d'aucun effet, qui doive avoir une cause. Est-elle un simple principe de connaissance? Non, car l'égalité des angles n'est pas simplement la preuve de l'égalité des cotes, la simple raison d'un jugement : on ne pourrait jamais comprendre au moyen de pures notions que, lorsque les angles sont égaux, les côtés le doivent être également; car, dans la notion d'égalité des angles, n'est pas contenue la notion d'égalité des côtés.

Ce n'est donc pas ici une relation entre des notions ou entre des jugements, mais entre des côtés et des angles. L'égalité des angles n'est pas le principe immédiat de la connaissance de l'égalité des.côtés, elle n'en est que le principe médiat, vu qu'elle est pour les côtés la cause d'être de telle façon, dans le cas présent d'être égaux : parce que les angles sont égaux, les côtés doivent être égaux.

Il y a ici une relation nécessaire entre angles et côtés, et non pas immédiatement une relation nécessaire entre des jugements. Ou bien encore, lorsque je demande pourquoi infecta facta, et jamais facta infecta fieri possunt, c'est-à-dire pourquoi le passé est absolument irréparable et l'avenir infaillible, cela ne peut se démontrer par la logique pure, par de simples notions.

Cela n'est pas non plus affaire de causalité, car celle-ci ne régit que les événements dans le temps, et non le temps lui-même. Ce n'est pas en vertu de la causalité, mais immédiatement, par le fait seul de son existence, dont l'apparition est néanmoins infaillible, que l'heure présente a précipité celle qui vient de s'écou1er, dans l'abîme sans fond du passé, et l'a anéantie à jamais. Cela ne se peut comprendre ni expliquer par de pures notions ; nous le reconnaissons tout immédiatement et par intuition, tout comme la différence entre la droite et la gauche et ce qui en dépend, par exemple pourquoi le gant gauche ne va pas à la main droite.

Puisque tous les cas dans lesquels le principe de la raison suffisante trouve son application ne se laissent pas ramener a celui de principe logique et conséquence et a celui de cause et effet, il faut que dans cette classification on n'ait pas suffisamment tenu compte de la loi de spécification. Cependant la loi d'homogénéité nous oblige de supposer que ces cas ne peuvent pas varier à l'infini, mais qu'ils doivent pouvoir être ramenés à un certain nombre d'espèces. Avant que je tente de procéder à cette classification, il est nécessaire d'établir le caractère particulier, qui appartient en propre, dans tous les cas, au principe de la raison suffisante; car il faut toujours fixer la notion du genre avant celle des espèces.

§ 16. De la racine du principe de la raison suffisante.

Notre faculté de connaissance, se manifestant comme sensibilité externe et interne (réceptivité), comme entendement et comme raison, se décompose en sujet et objet et ne contient rien au delà. Etre objet pour le sujet ou être notre représentation, c'est la même chose.

Toutes nos représentations sont objets du sujet, et tous les objets du sujet sont nos représentations. Or il arrive que toutes nos représentations sont entre elles dans une liaison régulière que l'on peut déterminer à priori, en ce qui touche la forme; en vertu de cette liaison, rien d'isolé et d'indépendant, rien d'unique et de détaché, ne peut devenir notre objet. C'est cette liaison qu'exprime le principe de la raison suffisante, dans sa généralité.

Bien que cette relation, comme nous pouvons le voir par ce qui a été dit jusqu'ici, revête des formes diverses, selon la diversité d'espèce des objets que le principe de la raison exprime alors à son tour par des dénominations différentes, "cependant elle conserve toujours ce qui est commun à toutes ces formes et. ce qu'affirme notre principe, pris dans son sens général et abstrait.

Ce que j'ai nommé la racine du principe de la raison suffisante, ce sont donc ces relations qui en forment la base, et que nous aurons à exposer plus en détail dans ce qui va suivre. En les examinant de plus près et conformément aux lois d'homogénéité et de spécification, nous verrons qu'elles se divisent en plusieurs espèces, très différentes les unes des autres, dont le nombre peut se ramener à quatre, selon les quatre classes dans lesquelles rentre tout ce qui peut
devenir objet pour nous, par conséquent toutes nos représentations.

Ce sont ces quatre classes que nous exposerons et étudierons dans les quatre prochains chapitres. Nous verrons, dans chacune de ces classes, le principe de la raison suffisante apparaître sous une autre forme ; mais, en même temps, nous le verrons se manifester comme le même et comme issu de la racine que je viens d'indiquer, en ce qu'il admet partout l'énonciation exposée au commencement de ce paragraphe.

Source : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5400813b

lundi 18 juillet 2011

Arthur Schopenhauer (conseils de sagesse)

Aphorismes sur la sagesse dans la vie

DIVISION FONDAMENTALE
Aristote (Morale à Nicomaque, I, 8) a divisé les biens de la vie humaine en trois classes, les biens extérieurs, ceux de l'âme et ceux du corps. Ne conservant que la division en trois, je dis que ce qui différencie le sort des mortels peut être ramené à trois conditions fondamentales. Ce sont:

1° Ce qu'on est: donc la personnalité, dans son sens le plus étendu. Par conséquent, on comprend ici la santé, la force, la beauté, le tempérament, le caractère moral, l'intelligence et son développement.

2° Ce qu'on a: donc propriété et avoir de toute nature.

3° Ce qu'on représente: on sait que par cette expression l'on entend la manière dont les autres se représentent un individu, par conséquent ce qu'il est dans leur représentation. Cela consiste donc dans leur opinion à son égard et se divise en honneur, rang et gloire.

Les différences de la première catégorie dont nous avons à nous occuper sont celles que la nature elle-même a établies entre les hommes; d'où l'on peut déjà inférer que leur influence sur le bonheur ou le malheur sera plus essentielle et plus pénétrante que celle des différences provenant des règles humaines et que nous avons mentionnées sous les deux rubriques suivantes. Les vrais avantages personnels, tels qu'un grand esprit ou un grand cœur, sont par rapport à tous les avantages du rang, de la naissance, même royale, de la richesse et autres, ce que les rois véritables sont aux rois de théâtre. Déjà Métrodore, le premier élève d'Épicure, avait intitulé un chapitre: Les causes qui viennent de nous contribuent plus au bonheur que celles qui naissent des choses. — (Cf. Clément d'Alex., Strom., II, 21, p. 362 dans l'édition de Wurtzbourg des Opp. polem.)

Et, sans contredit, pour le bien-être de l'individu, même pour toute sa manière d'être, le principal est évidemment ce qui se trouve ou se produit en lui. C'est là, en effet, que réside immédiatement son bien-être ou son malaise; c'est sous cette forme, en définitive, que se manifeste tout d'abord le résultat de sa sensibilité, de sa volonté et de sa pensée; tout ce qui se trouve en dehors n'a qu'une influence indirecte. Aussi les mêmes circonstances, les mêmes événements extérieurs, affectent-ils chaque individu tout différemment, et, quoique placés dans un même milieu, chacun vit dans un monde différent. Car il n'a directement affaire que de ses propres perceptions, de ses propres sensations et des mouvements de sa propre volonté: les choses extérieures n'ont d'influence sur lui qu'en tant qu'elles déterminent ces phénomènes intérieurs. Le monde dans lequel chacun vit dépend de la façon de le concevoir, laquelle diffère pour chaque tête; selon la nature des intelligences, il paraîtra pauvre, insipide et plat, ou riche, intéressant et important. Pendant que tel, par exemple, porte envie à tel autre pour les aventures intéressantes qui lui sont arrivées pendant sa vie, il devrait plutôt lui envier le don de conception qui a prêté à ces événements l'importance qu'ils ont dans sa description, car le même événement qui se présente d'une façon si intéressante dans la tête d'un homme d'esprit, n'offrirait plus, conçu par un cerveau plat et banal, qu'une scène insipide de la vie de tous les jours. Ceci se manifeste au plus haut degré dans plusieurs poésies de Gœthe et de Byron, dont le fond repose évidemment sur une donnée réelle; un sot, en les lisant, est capable d'envier au poète l'agréable aventure, au lieu de lui envier la puissante imagination qui, d'un événement passablement ordinaire, a su faire quelque chose d'aussi grand et d'aussi beau. Pareillement, le mélancolique verra une scène de tragédie là où le sanguin ne voit qu'un conflit intéressant, et le flegmatique un fait insignifiant.

Tout cela vient de ce que toute réalité, c'est-à-dire toute «actualité remplie» se compose de deux moitiés, le sujet et l'objet, mais aussi nécessairement et aussi étroitement unies que l'oxygène et l'hydrogène dans l'eau. A moitié objective identique, la subjective étant différente, ou réciproquement, la réalité actuelle sera tout autre; la plus belle et la meilleure moitié objective, quand la subjective est obtuse, de mauvaise qualité, ne fournira jamais qu'une méchante réalité et actualité, semblable à une belle contrée vue par un mauvais temps ou réfléchie par une mauvaise chambre obscure. Pour parler plus vulgairement, chacun est fourré dans sa conscience comme dans sa peau et ne vit immédiatement qu'en elle; aussi y a-t-il peu de secours à lui apporter du dehors. A la scène, tel joue les princes, tel les conseillers, tel autre les laquais, ou les soldats ou les généraux, et ainsi de suite. Mais ces différences n'existent qu'à l'extérieur; à l'intérieur, comme noyau du personnage, le même être est fourré chez tous, savoir un pauvre comédien avec ses misères et ses soucis.

Dans la vie, il en est de même. Les différences de rang et de richesses donnent à chacun son rôle à jouer, auquel ne correspond nullement une différence intérieure de bonheur et de bien-être; ici aussi est logé dans chacun le même pauvre hère, avec ses soucis et ses misères, qui peuvent différer chez chacun pour ce qui est du fond, mais qui, pour ce qui est de la forme, c'est-à-dire par rapport à l'être propre, sont à peu près les mêmes chez tous; il y a certes des différences de degré, mais elles ne dépendent pas du tout de la condition ou de la richesse, c'est-à-dire du rôle.

Comme tout ce qui se passe, tout ce qui existe pour l'homme ne se passe et n'existe immédiatement que dans sa conscience; c'est évidemment la qualité de la conscience qui sera le prochainement essentiel, et dans la plupart des cas tout dépendra de celle-là bien plus que des images qui s'y représentent. Toute splendeur, toutes jouissances sont pauvres, réfléchies dans la conscience terne d'un benêt, en regard de la conscience d'un Cervantès, lorsque, dans une prison incommode, il écrivait son Don Quijote.

La moitié objective de l'actualité et de la réalité est entre les mains du sort et, par suite, changeante la moitié subjective, c'est nous-même, elle est par conséquent immuable dans sa partie essentielle. Aussi, malgré tous les changements extérieurs, la vie de chaque homme porte-t-elle d'un bout à l'autre le même caractère; on peut la comparer à une suite de variations sur un même thème. Personne ne peut sortir de son individualité. Il en est de l'homme comme de l'animal; celui-ci, quelles que soient les conditions dans lesquelles on le place, demeure confiné dans le cercle étroit que la nature a irrévocablement tracé autour de son être, ce qui explique pourquoi, par exemple, tous nos efforts pour faire le bonheur d'un animal que nous aimons doivent se maintenir forcément dans des limites très restreintes, précisément à cause de ces bornes de son être et de sa conscience; pareillement, l'individualité de l'homme a fixé par avance la mesure de son bonheur possible. Ce sont spécialement les limites de ses forces intellectuelles qui ont déterminé une fois pour toute son aptitude aux jouissances élevées. Si elles sont étroites, tous les efforts extérieurs, tout ce que les hommes ou la fortune feront pour lui, tout cela sera impuissant à le transporter par delà la mesure du bonheur et du bien-être humain ordinaire, à demi animal: il devra se contenter des jouissances sensuelles, d'une vie intime et gaie dans sa famille, d'une société de bas aloi ou de passe-temps vulgaires. L'instruction même, quoiqu'elle ait une certaine action, ne saurait en somme élargir de beaucoup ce cercle, car les jouissances les plus élevées, les plus variées et les plus durables sont celles de l'esprit, quelque fausse que puisse être pendant la jeunesse notre opinion à cet égard; et ces jouissances dépendent surtout de la force intellectuelle. Il est donc facile de voir clairement combien notre bonheur dépend de ce que nous sommes, de notre individualité, tandis qu'on ne tient compte le plus souvent que de ce que nous avons ou de ce que nous représentons. Mais le sort peut s'améliorer; en outre, celui qui possède la richesse intérieure ne lui demandera pas grand'chose; mais un benêt restera benêt, un lourdaud restera lourdaud, jusqu'à sa fin, fût-il en paradis et entouré de houris. Gœthe dit:
Volk und Kuecht und Ueberwinder,
Sie gestehn, zu jeder Zeit,
Höchstes Glück der Erdenkinder
Sei nur die Persönlichkeit.

Peuple et laquais et conquérant,
En tout temps reconnaissent
Que le suprême bien des fils de la terre
Est seulement la personnalité.
(Gœthe, Divan Or. 0cc., Zulecka)
Que le subjectif soit incomparablement plus essentiel à notre bonheur et à nos jouissances que l'objectif, cela se confirme en tout, par la faim, qui est le meilleur cuisinier, jusqu'au vieillard regardant avec indifférence la déesse que le jeune homme idolâtre, et tout au sommet, nous trouvons la vie de l'homme de génie et du saint. La santé par-dessus tout l'emporte tellement sur les biens extérieurs qu'en vérité un mendiant bien portant est plus heureux qu'un roi malade. Un tempérament calme et enjoué, provenant d'une santé parfaite et d'une heureuse organisation, une raison lucide, vive, pénétrante et concevant juste, une volonté modérée et douce, et comme résultat une bonne conscience, voilà des avantages que nul rang, nulle richesse ne sauraient remplacer. Ce qu'un homme est en soi-même, ce qui l'accompagne dans la solitude et ce que nul ne saurait lui donner ni lui prendre, est évidemment plus essentiel pour lui que tout ce qu'il peut posséder ou ce qu'il peut être aux yeux d'autrui. Un homme d'esprit, dans la solitude la plus absolue, trouve dans ses propres pensées et dans sa propre fantaisie de quoi se divertir agréablement, tandis que l'être borné aura beau varier sans cesse les fêtes, les spectacles, les promenades et les amusements, il ne parviendra pas à écarter l'ennui qui le torture. Un bon caractère, modéré et doux, pourra être content dans l'indigence, pendant que toutes les richesses ne sauraient satisfaire un caractère avide, envieux et méchant. Quant à l'homme doué en permanence d'une individualité extraordinaire, intellectuellement supérieure, celui-là alors peut se passer de la plupart de ces jouissances auxquelles le monde aspire généralement; bien plus, elles ne sont pour lui qu'un dérangement et un fardeau. Horace dit en parlant de lui-même:


Gemmas, marmor, ebur, Tyrrhena sigilla, tabetlas,
Argentum, vestes Gaetuto murice tinctas,
Sunt qui habeant, est qui non curat habere.

Il en est qui n'ont ni pierres précieuses,
ni marbre, ni ivoire, ni statuettes tyrrhéniennes,
ni tableaux, ni argent, ni robes teintes de pourpre gaétulienne;
il en est un qui ne se soucie pas d'en avoir.
(Horace, Ep. II, L. II, vers 180 et suiv.)

Et Socrate, à la vue d'objets de luxe exposés pour la vente, s'écriait: «Combien il y a de choses dont je n'ai pas besoin!»

Ainsi, la condition première et la plus essentielle pour le bonheur de la vie, c'est ce que nous sommes, c'est notre personnalité; quand ce ne serait déjà que parce qu'elle agit constamment et en toutes circonstances, cela suffirait à l'expliquer, mais en outre, elle n'est pas soumise à la chance comme les biens des deux autres catégories, et ne peut pas nous être ravie. En ce sens, sa valeur peut passer pour absolue, par opposition à la valeur seulement relative des deux autres. Il en résulte que l'homme est bien moins susceptible d'être modifié par le monde extérieur qu'on ne le suppose volontiers. Seul le temps, dans son pouvoir souverain, exerce également ici son droit; les qualités physiques et intellectuelles succombent insensiblement sous ses atteintes; le caractère moral seul lui demeure inaccessible.

Sous ce rapport, les biens des deux dernières catégories auraient un avantage sur ceux de la première, comme étant de ceux que le temps n'emporte pas directement. Un second avantage serait que, étant placés en dehors de nous, ils sont accessibles de leur nature, et que chacun a pour le moins la possibilité de les acquérir, tandis que ce qui est en nous, le subjectif, est soustrait a notre pouvoir: établi jure divino, il se maintient invariable pendant toute la vie. Aussi les vers suivants contiennent-ils une inexorable vérité:
Wie an dem Tag, der dich der Welt verliehen,
Die Sonne stand zum Grusze der Planeten,
Bist alsobald und fort und fort gediehen,
Nach dem Gesetz, wonach du augetreten.
So muszt du seyn, dir kannst du nicht entfliehen,
So sagten schon Sybillen, so Propheten;
Und keine Zeit und keine Macht zerstückelt
Geprägte Form, die lebend sich entwichelt.

Comme, dans le jour qui t'a donné au monde,
Le soleil était là pour saluer les planètes,
Tu as aussi grandi sans cesse,
D'après la loi selon laquelle tu as commencé.
Telle est ta destinée; tu ne peux t'échapper à toi-même;
Ainsi parlaient déjà les sibylles; ainsi les prophètes;
Aucun temps, aucune puissance ne brise la forme empreinte
Qui se développe dans le cours de la vie.
(GoethePoésies, trad. Porchat, vol. 1, p. 312.)
Tout ce que nous pouvons faire à cet égard, c'est d'employer cette personnalité, telle qu'elle nous a été donnée, à notre plus grand profit; par suite, ne poursuivre que les aspirations qui lui correspondent, ne rechercher que le développement qui lui est approprié en évitant tout autre, ne choisir, par conséquent, que l'état, l'occupation, le genre de vie qui lui conviennent.

Un homme herculéen, doué d'une force musculaire extraordinaire, astreint par des circonstances extérieures à s'adonner à une occupation sédentaire, à un travail manuel, méticuleux et pénible, ou bien encore à l'étude et à des travaux de tête, occupations réclamant des forces toutes différentes, non développées chez lui et laissant précisément sans emploi les forces par lesquelles il se distingue, un tel homme se sentira malheureux toute sa vie; bien plus malheureux encore sera celui chez lequel les forces intellectuelles l'emportent de beaucoup et qui est obligé de les laisser sans développement et sans emploi pour s'occuper d'une affaire vulgaire qui n'en réclame pas, ou bien encore et surtout d'un travail corporel pour lequel sa force physique n'est pas suffisante. Ici toutefois, principalement pendant la jeunesse, il faut éviter l'écueil de la présomption et ne pas s'attribuer un excès de forces que l'on n'a pas.

De la prépondérance bien établie de notre première catégorie sur les deux autres, il résulte encore qu'il est plus sage de travailler à conserver sa santé et à développer ses facultés qu'à acquérir des richesses, ce qu'il ne faut pas interpréter en ce sens qu'il faille négliger l'acquisition du nécessaire et du convenable. Mais la richesse proprement dite, c'est-à-dire un grand superflu, contribue peu à notre bonheur; aussi beaucoup de riches se sentent-ils malheureux, parce qu'ils sont dépourvus de culture réelle de l'esprit, de connaissances et, par suite, de tout intérêt objectif qui pourrait les rendre aptes à une occupation intellectuelle. Car ce que la richesse peut fournir au delà de la satisfaction des besoins réels et naturels a une minime influence sur notre véritable bien-être; celui-ci est plutôt troublé par les nombreux et inévitables soucis qu'amène après soi la conservation d'une grande fortune. Cependant les hommes sont mille fois plus occupés à acquérir la richesse que la culture intellectuelle, quoique certainement ce qu'on est contribue bien plus à notre bonheur que ce qu'on a.

Combien n'en voyons-nous pas, diligents comme des fourmis et occupés du matin au soir à accroître une richesse déjà acquise! Ils ne connaissent rien par delà l'étroit horizon qui renferme les moyens d'y parvenir; leur esprit est vide et par suite inaccessible à toute autre occupation. Les jouissances les plus élevées, les jouissances intellectuelles sont inabordables pour eux; c'est en vain qu'ils cherchent à les remplacer par des jouissances fugitives, sensuelles, promptes, mais coûteuses à acquérir, qu'ils se permettent entre temps. Au terme de leur vie, ils se trouvent avoir comme résultat, quand la fortune leur a été favorable, un gros monceau d'argent devant eux, qu'ils laissent alors à leurs héritiers le soin d'augmenter ou aussi de dissiper. Une pareille existence, bien que menée avec apparence très sérieuse et très importante, est donc tout aussi insensée que telle autre qui arborerait carrément pour symbole une marotte.

Ainsi, l'essentiel pour le bonheur de la vie, c'est ce que l'on a en soi-même. C'est uniquement parce que la dose en est d'ordinaire si petite que la plupart de ceux qui sont sortis déjà victorieux de la lutte contre le besoin se sentent au fond tout aussi malheureux que ceux qui sont encore dans la mêlée. Le vide de leur intérieur, l'insipidité de leur intelligence, la pauvreté de leur esprit les poussent à rechercher la compagnie, mais une compagnie composée de leurs pareils, car similis simili gaudet. Alors commence en commun la chasse au passe-temps et à l'amusement, qu'ils cherchent d'abord dans les jouissances sensuelles, dans les plaisirs de toute espèce et finalement dans la débauche. La source de cette funeste dissipation, qui, en un temps souvent incroyablement court, fait dépenser de gros héritages à tant de fils de famille entrés riches dans la vie, n'est autre en vérité que l'ennui résultant de cette pauvreté et de ce vide de l'esprit que nous venons de dépeindre. Un jeune homme ainsi lancé dans le monde, riche en dehors, mais pauvre, en dedans, s'efforce vainement de remplacer la richesse intérieure par l'extérieure; il veut tout recevoir du dehors, semblable à ces vieillards qui cherchent à puiser de nouvelles forces dans l'haleine des jeunes filles. De cette façon, la pauvreté intérieure a fini par amener aussi la pauvreté extérieure.

Je n'ai pas besoin de relever l'importance des deux autres catégories de biens de la vie humaine, car la fortune est aujourd'hui trop universellement appréciée pour avoir besoin d'être recommandée. La troisième catégorie est même d'une nature très éthérée, comparée à la seconde, vu qu'elle ne consiste que dans l'opinion des autres. Toutefois chacun est tenu d'aspirer à l'honneur, c'est-à-dire à un bon renom; à un rang, ne peuvent y aspirer, uniquement, que ceux qui servent l'État, et, pour ce qui est de la gloire, il n'y en a qu'infiniment peu qui puissent y prétendre. L'honneur est considéré comme un bien inappréciable, et la gloire comme la chose la plus exquise que l'homme puisse acquérir; c'est la Toison d'or des élus; par contre, les sots seuls préféreront le rang à la richesse. La seconde et la troisième catégorie ont en outre l'une sur l'autre ce qu'on appelle une action réciproque; aussi l'adage de Pétrone: Habes, habeberis est-il vrai, et, en sens inverse, la bonne opinion d'autrui, sous toutes ses formes, nous aide souvent à acquérir la richesse.

Source : http://agora.qc.ca"

jeudi 7 juillet 2011

Schopenhauer l'incompris


Par Roger-Pol Droit (pour le journal Le Monde)

Voilà un jeune homme qui ne doute de rien ! Personne ne le connaît, presque personne ne sait qu'il a publié, il y a quelques mois, chez Brock- haus, un gros ouvrage en deux volumes au titre énigmatique : Le Monde comme volonté et comme représentation. Et voilà que cet inconnu, âgé de 32 ans seulement, se met en tête de faire concurrence à Hegel, le grand maître de l'université de Berlin, le génie de la philosophie universitaire, de la philosophie allemande, peut-être de la philosophie tout court. Ce dénommé Arthur Schopenhauer insiste : le doyen de la faculté de Berlin placera son cours aux mêmes jours et aux mêmes heures que celui de Georg Friedrich Hegel.

Cet ambitieux n'a pas encore soutenu sa thèse, mais il fait déjà annoncer son enseignement. Et l'annonce n'est pas des plus modestes : "Arthur Schopenhauer exposera toute la philosophie, c'est-à-dire la théorie de l'essence de l'univers et celle de l'esprit humain." Durée prévue : vingt-quatre semestres !

Il est vrai que Schopenhauer voue à Hegel et à son système une haine intense. Alors que toute l'Allemagne célèbre la philosophie de l'histoire de Hegel, sa méthode dialectique, la marche de l'Esprit à travers les époques et les peuples, la réconciliation de la philosophie et de la religion chrétienne, ce jeune effronté ne voit chez ce maître illustre qu'un "charlatan plat, sans esprit, répugnant, ignorant",dont la philosophie est une "colossale mystification". A ses yeux, elle constitue "le verbiage le plus creux (...), le galimatias le plus stupide qui ait jamais été entendu, du moins en dehors de maisons de fous".

Comment ce verbiage pompeux, qui produit "le plus grand encrassement possible des intelligences", a-t-il pu valoir à son auteur tant de notoriété et de pouvoir ? Cette "gloire mensongère, captée, achetée, produit d'un tissu de faussetés", est malgré tout une gloire : les auditeurs se pressent en foule au cours de Hegel. Ils sont environ deux cents, arrivant longtemps à l'avance pour être certains d'avoir une place et de bien entendre, car Hegel ne parle pas très fort et possède surtout un accent souabe à couper au couteau que l'on a du mal, à Berlin, à bien saisir. Il y a là des étudiants et des professeurs, évidemment, mais aussi des médecins, des assureurs, des fonctionnaires, des employés. Par dizaines. Et voilà qu'à la même heure, au cours de Schopenhauer, ils sont cinq.

Schopenhauer croit savoir pourquoi ils sont si nombreux à répéter les mots creux de Hegel. "Le charlatan de la métaphysique"fait l'éloge de l'Etat prussien et le jeu du gouvernement, il a donc aujourd'hui "pour complices intéressés les charlatans de la politique". Tous ces gens aiment se gaver de mots vides, et comme les termes creux ("l'Absolu", "l'Être", "la négation de la négation"...) permettent cette fois de faire carrière, le succès est assuré.

Il l'est même d'autant mieux que cette pensée prétendument nouvelle, en lieu et place de philosophie, reprend tels quels "les grands principes de la religion du pays, que chacun a sucés avec le lait maternel".

Schopenhauer est aux antipodes de tout cela. Allemand de naissance, il est européen de culture et d'esprit. Son père, Floris, grand commerçant de Dresde et de Hambourg, lisait le Times chaque jour, et a envoyé Arthur, à 9 ans, au Havre, pour qu'il apprenne le français chez un confrère et ami. D'ailleurs, s'il a prénommé son fils Arthur, c'est que ce prénom est identique dans la plupart des langues européennes. Schopenhauer ne s'est jamais coulé dans le moule universitaire. Il n'est pas du sérail. Sa détestation envers Hegel s'étend aux professeurs de philosophie et demeure vivace toute sa vie. Vers la fin, il eut cette formule : "Que bientôt les vers doivent ronger mon corps, c'est une pensée que je puis supporter ; mais que les professeurs rongent ma philosophie, cela me donne le frisson !" En outre, cet amoureux du mot juste s'exprime toujours clairement, en styliste qui sait argumenter et convaincre. Enfin, peut-être surtout, ce fils des Lumières est athée, totalement et résolument. Il tient les religions pour des illusions, les prêtres pour ennemis.

Cela ne l'empêche pas de s'intéresser à la mystique, aux saints, aux ascètes et aux renonçants, de se passionner précocement pour les doctrines de l'Inde, de s'enflammer pour le bouddhisme quand les savants vont commencer à le faire connaître. Il est le premier philosophe à mettre les Veda et les Upanishad sur le même plan que Platon et que Kant. Mais, plus que tout, Schopenhauer a le culte de la vérité. Il croit profondément, presque religieusement, en la philosophie. Il est convaincu qu'elle doit parvenir à comprendre l'existence et peut remédier, au moins pour certains, au désordre qui y règne. "La vie est chose malaisée, j'ai pris la résolution de consacrer la mienne à y réfléchir", a-t-il écrit à 23 ans. En un sens, il a tenu parole. Après la mort de son père, pouvant vivre de ses rentes, il a repris des études, a laissé mûrir en lui sa propre philosophie, a passé près de cinq ans à rédiger son œuvre fondamentale, sa pensée unique, et l'a publiée.

Depuis, il attend. Quoi au juste ? Que la vérité soit enfin reconnue, et que soit glorifié celui qui l'a découverte et exprimée, en deux gros volumes, chez Brockhaus. Mais rien ne se passe, personne ne lit, aucun compte rendu ne paraît, la solution du problème de l'existence ne suscite qu'un silence indifférent et, pour Schopenhauer, insupportable. Le cours, qu'il inaugure à Berlin en cette année 1820, revêt donc pour lui une importance capitale. Il croit, naïvement mais intensément, que proclamer la vérité va tout changer. Les auditeurs quitteront certainement le cours de Hegel, qui finira vite par se taire. L'humanité se mettra à comprendre, même les professeurs vont changer d'idées ! Pourtant, au bout d'un semestre, ils ne sont toujours que cinq. Au semestre suivant, le cours n'a pas lieu, faute d'auditeurs. Il en ira de même par la suite. Au bout de deux années, l'annonce disparaît.

Le contrecoup de cet échec est particulièrement rude pour le jeune philosophe. Il a beau demander à l'un de ses amis de surveiller les "endroits où l'on parle (de lui) dans des livres, des journaux, des revues littéraires", rien ne se dit. Il en tombe malade, doit garder le lit plusieurs mois, pour des troubles mal identifiés qui ressemblent à un épisode dépressif. Il se demande s'il est encore à la hauteur de sa propre pensée, s'il pourra poursuivre. Il a le sentiment d'avoir déjà fait son temps, d'avoir perdu tout avenir, sans que personne ait pris conscience de sa valeur. Heureusement, l'homme a de la ressource. Son amertume se transforme vite en sarcasme, et en autoglorification. Après tout, il ne s'adresse qu'à la postérité, non à "la foule des singes".

"Ils n'ont pas daigné m'écouter ; mais le temps qui marche fera tout paraître au grand jour", écrit-il pour se remettre de l'échec de son cours. Il se répète qu'en fait il ne dialogue qu'avec les siècles et ne s'adresse qu'à la postérité. Il vaut mieux, quand même, se le répéter régulièrement. Ce ressassement aide, quand on est aussi seul qu'il peut l'être, durant tant de temps. En fait, cet échec n'existe pas, il s'agit seulement d'un gigantesque malentendu. Schopenhauer n'a qu'une identité, marquée intérieurement du sceau de la victoire. Il note, en 1823, dans son carnet de brouillon secret : "Si, par moments, je me suis senti malheureux, ce fut alors par suite d'une méprise, d'une erreur sur la personne, je me suis pris pour un autre que celui que je suis, et je me lamentais sur les misères de cet autre : par exemple, je me suis pris pour un chargé de cours qui n'est pas promu titulaire de chaire et qui n'a pas d'auditeurs (...) . Je suis celui qui a écrit Le Monde comme volonté et comme représentation et qui a apporté une solution au grand problème de l'existence. (...) C'est celui-là, moi, et qu'est-ce donc qui pourrait inquiéter celui-là dans les années qui lui restent encore à vivre ?"

Rien ne l'inquiète donc plus. Ni ses échecs sentimentaux ni les querelles avec sa mère Johanna, amie de Goethe, romancière à succès dont, en 1831, on édite les œuvres complètes en 24 volumes. Pas même le nombre très faible d'exemplaires de son grand œuvre écoulés en dix ans. Sur un tirage de 800 exemplaires en 1819, l'éditeur en a encore 150 en magasin en 1828, mais un bon nombre a été mis au rebut. Schopenhauer tente encore de se faire connaître comme traducteur, puis finit par renoncer. Il attend, à Francfort, menant sa vie réglée de rentier célibataire, flûte le matin, travail, promenade avec son caniche et baignade dans le Main, quelle que soit la saison. Il attend que la postérité le rejoigne. Et cela dure trente ans ! Trente ans de silence presque total, de 1823 à 1853. "Si j'étais roi, l'ordre que je donnerais le plus souvent et avec le plus d'insistance serait celui-ci : "Laissez-moi seul !"" Pour donner cet ordre, il lui a suffi de développer sa pensée. Elle a tout, en effet, pour faire le vide autour de lui.

Dans un siècle marqué par le triomphe de l'histoire, les contrecoups de la Révolution française et la montée des révoltes, Schopenhauer est bien le seul à proclamer avec tant de force qu'il n'y a rien à attendre des événements. La condition humaine, à ses yeux, est toujours continûment la même. Quelle que soit l'époque, l'humanité est confrontée aux mirages du bonheur et aux réalités de la souffrance. "La race humaine est une fois pour toutes et par nature vouée à la souffrance et à la ruine." Voilà le secret de l'existence, qui n'est pas vraiment joyeux. Nos aspirations, nos raisonnements, nos créations sont traversés par une force qui nous échappe, la Volonté, qui agit en nous comme dans la Nature, y compris dans la matière inanimée. Tout ce que veut la vie, c'est se poursuivre, persister. La volonté singulière d'un individu n'a qu'une existence illusoire, elle est de toutes parts immergée dans le jeu infini et absurde d'une réalité qui la dépasse et finit par la détruire.

Difficile, en apparence, de devenir populaire quand on professe un pessimisme aussi noir que celui de Schopenhauer. A ses yeux, l'Enfer de Dante n'est rien d'autre que l'existence telle que nous la connaissons, bien que nous fassions tout pour mentir et oublier. "Les efforts sans trêve pour bannir la souffrance n'ont d'autre résultat que d'en changer la figure." Ou encore : "Aujourd'hui est mauvais, et chaque jour sera plus mauvais, jusqu'à ce que le pire arrive." Malgré tout, cette pensée caustique, solitaire et parfois farouche, orpheline de toute consolation divine, finit par rencontrer, dans l'Europe des années 1850, un écho qui ira grandissant jusqu'à la fin du siècle. Schopenhauer devient l'éducateur de la modernité, au point que pratiquement tous les créateurs, à la charnière du XIXe et du XXe siècle, portent l'empreinte de Schopenhauer, de Proust à Kandinski, de Strindberg à Dürrenmatt, de Maupassant à Nietzsche, de Wagner à Kafka. Peut-être n'y a-t-il aucun philosophe qui ait exercé sur la vie artistique et culturelle une influence si profonde et si durable. Que lit, à Londres, en 1916, un comédien obscur du nom de Charlie Chaplin, qui s'en trouve bouleversé ? Le Monde comme volonté et comme représentation.

A la fin de sa vie, le philosophe assiste, mi-ému et mi-moqueur, au commencement de ce triomphe : portraits, bustes, visites, études. Voilà qu'on donne des cours sur sa pensée, alors que Hegel a de moins en moins de disciples... Est-il heureux ? Ce serait étrange, de la part de celui qui soutient qu'"une vie heureuse est une contradiction dans les termes". A l'un de ses visiteurs, il déclare : "Je me sens étrange, avec mon actuelle gloire. Il vous est certainement déjà arrivé de voir, avant une représentation théâtrale, un lampiste encore occupé à la rampe, présent au moment où la salle devient obscure, et disparaissant rapidement dans les coulisses - à ce moment où se lève le rideau. Voilà ce que je ressens être, un attardé, un survivant, alors qu'on donne déjà la comédie de ma gloire." Il rejoint les coulisses le 21 septembre 1860. Depuis, la pièce continue.

En savoir plus

- Pour une première découverte, on se reportera au Schopenhauer de Didier Raymond (Seuil, "Ecrivains de toujours", rééd. 1995)

- La biographie la plus complète est celle de Rüdiger Safranski, Schopenhauer et les années folles de la philosophie (PUF, "Perspectives critiques", 1990)

- L'œuvre maîtresse de Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation, est disponible en traduction française aux Presses universitaires de France.

- Une bonne traduction française de sa Correspondance complète a été publiée en 1996 aux éditions Alive.

Source : http://www.lemonde.fr

mardi 5 juillet 2011

Arthur Schopenhauer (Thèse de doctorat) (2)

Ce texte de jeunesse est présenté par Schopenhauer dans son oeuvre majeure, "Le monde comme volonté et représentation", comme un pré-requis. Il y fait allusion souvent. Expliquant qu'il ne compte pas revenir sur ce qu'il a déjà expliqué ici. Cela prouve a quel point il est conscient et certain d'avoir trouvé une/la vérité
"DE LA QUADRUPLE RACINE 
DU PRINCIPE DE LA RAISON SUFFISANTE"

CHAPITRE PREMIER

INTRODUCTION


§ 1. LA MÉTHODE.

Platon le divin et l'étonnant Kant recommandent,d'une voix unanime et impérieuse, la règle suivante comme méthode pour toute discussion philosophique, pour toute connaissance même(1) Il faut, disent-ils, satisfaire à deux lois, celle de l'homogénéité et celle de la spécification, à toutes les deux dans la même mesure et non pas à l'une seulement au détriment de l'autre.

La loi de l'homogénéité nous enseigne, par l'étude attentive des ressemblances et des concordances, à concevoir les espèces, à grouper celles-ci en genres et ces derniers en familles , jusqu'à ce que nous arrivions à la notion suprême qui comprend tout.

Cette loi étant transcendantale, et essentielle à notre raison, présuppose sa concordance avec la nature ; c'est ce qu'exprime cet ancien précepte : «Entia praeter necessitatem non esse multiplicanda.» — Par contre, Kant énonce ainsi la loi de la spécification : «Entium varietates non temere esse minuendas.

Celle-ci exige que nous séparions scrupuleusement les genres groupés dans la vaste notion de famille, de même que les espèces supérieures et inférieures, comprises dans ces genres ; elle nous impose d'éviter avec soin les sauts brusques et surtout de ne pas faire entrer directement quelque espèce dernière, et à plus forte raison quelque individu, dans la notion de famille; car toute notion est susceptible d'être encore subdivisée en notions inférieures, et aucune ne descend jusqu'à l'intuition pure.

Kant enseigne que ces deux lois sont des principes transcendants de la raison et qu'elles réclament à priori l'accord avec les choses : Platon semble énoncer, à sa façon, la même proposition quand il dit que ces règles auxquelles toute science doit son origine nous ont été jetées par les dieux du haut de leur siège, en même temps que le feu de Prométhée.

§ 2. SON APPLICATION dans le cas PRESENT.

Malgré d'aussi puissantes recommandations, la seconde de ces lois a été, selon moi, trop peu appliquée à un principe fondamental de toute connaissance, au principe de la raison suffisante. En effet, quoiqu'on l'ait dès longtemps et souvent énoncé d'une manière générale, on a négligé de séparer convenablement ses applications éminemment différentes, dans chacune desquelles il adopte une autre signification, et qui montrent par là qu'il prend sa source dans des facultés intellectuelles distinctes.

Or, si l'on compare la philosophie de Kant avec toutes les doctrines antérieures, on peut se convaincre que c'est surtout dans l'étude des facultés intellectuelles que l'application du principe de l'homogénéité, lorsqu'on a négligé d'appliquer en même temps le principe opposé, a produit de nombreuses et longues erreurs ; et que c'est par contre en appliquant la loi de spécification que l'on a obtenu les progrès les plus grands et les plus importants.

Que l'on me permette donc, car cela donnera de l'autorité au sujet que je me propose de traiter, de citer ici un passage où Kant recommande d'appliquer aux sources de nos connaissances le principe de la spécification.

Il est la plus haute importance, dit-il, d'isoler les connaissances qui, par leur nature et leur origine, diffèrent entre elles, et de se bien garder de les laisser se confondre avec d'autres connaissances auxquelles elles sont jointes d'ordinaire dans la pratique.

Ainsi que procède le chimiste pour l'analyse de la matière, ou le mathématicien pour l'étude des mathématiques pures; ainsi, et plus rigoureusement encore, doit procéder le philosophe pour pouvoir déterminer sûrement la valeur et l'influence qui appartiennent en propre à telle ou telle espèce particulière de connaissance, dans l'emploi vague de l'entendement. (Critique de la raison pure, Etude de la méthode, 3e div. pr. (2))

§ 3. Utilité de cet examen.

Si je réussis à démontrer que le principe qui fait l'objet de cette étude découle dès l'abord de plusieurs connaissances fondamentales de notre esprit et non directement d'une seule, il en résultera que le principe de nécessité qu'il emporte avec soi comme principe établi priori ne sera pas non plus unique et partout le même, mais qu'il sera aussi multiple que les sources du principe lui-même.

Cela étant, quand on voudra baser une conclusion sur ce principe, l'on sera tenu de spécifier bien exactement sur laquelle des diverses nécessités, formant la base du principe, la conclusion s'appuie, et de désigner cette nécessité par un nom spécial, comme je vais en proposer plus loin. Les discussions philosophiques y gagneront, je l'espère, en netteté et en précision ; pour ma part, je considère qu'en philosophie la plus grande clarté possible, cette clarté que l'on ne peut obtenir que par la détermination rigoureuse de chaque expression, est la condition impérieusement exigée pour éviter toute erreur et tout risque d'être trompé avec préméditation : ainsi seulement, toute connaissance acquise dans le domaine de la philosophie deviendra notre propriété assurée.

En général, le véritable philosophe s'efforcera sans cesse d'être clair et précis ; il cherchera toujours à ressembler non pas à un torrent qui descend des montagnes, trouble et impétueux, mais plutôt à un de ces lacs de la Suisse, très profonds, auxquels leur calme donne une grande limpidité et dont la profondeur est rendue visible par cette limpidité. «La clarté est la bonne foi des philosophes,» a dit Vauvenargues.

Le faux philosophe, au contraire, ne cherche pas, selon la maxime de Talleyrand, à employer les mots pour dissimuler ses pensées, mais bien pour couvrir,le manque de pensées : il rend responsable l'intelligence du lecteur, quand celui-ci ne comprend pas des philosophèmes dont l'incompréhensibilité ne provient que de l'obscurité des propres pensées de l'auteur. Ceci explique pourquoi certains ouvrages, ceux de Schelling par exemple, passent si souvent du ton de l'enseignement à celui de l'invective : on y tance par anticipation le lecteur pour son ineptie.

§ 4. IMPORTANCE DU principe de LA RAISON suffisante.

Cette importance est immense ; on peut dire que ce principe est-la base de toute science. Car on entend par science un système de connaissances, c'est-à-dire un ensemble composé de connaissances qui s'enchaînent les unes aux autres, par opposition à un simple agrégat. Mais qu'est-ce qui relie entre eux les membres d'un système, si ce n'est le principe de la raison suffisante? Ce qui distingue précisément toute science d'un simple agrégat, c'est que chaque connaissance y dérive d'une connaissance antérieure, comme de son principe. [citation en grecque de Platon].

En outre, presque toutes les sciences renferment des notions de causes dont on détermine les effets, et d'autres notions sur la nécessité des conséquences, qui découlent d'un principe, ainsi que nous le verrons dans le cours de cette étude [citation d'Aristote en Latin] Or, comme nous avons admis à priori que tout a une raison d'être qui nous autorise à chercher partout le pourquoi, on peut dire à bon droit que le pourquoi est la source de toute science.

§ 5. DU PRINCIPE LUI-MÊME.

Nous montrerons plus loin que le principe de la raison suffisante est une expression commune à plusieurs connaissances' données à priori. Néanmoins, il faut bien pour le moment le formuler d'une manière quelconque. Je choisis la formule de Wolf, comme étant la plus générale : «Nihil est sine ratione cur potius sit, quam non sit.»
Rien n'est sans une raison d'être(3).

(1) Platon, Phileb., p. 219-223. Polit., 62, 63; Phoedr., 361-363, éd. Bipont. — Kant, Critique de la raison pure, annexe à la dialect. transc.
(2) «afin de pouvoir déterminer sûrement la part de chaque espèce de connaissance, a l'usage vagabond de l'entendement, sa valeur propre et son influence.» Crit. de la R. P., traduction de M. Tissot. Voir tome II, p. 542. (Paris, Ladrange, 1845.) qu'aucun malentendu, aucune équivoque, découverts parla suite, ne pourront plus venir nous arracher.
(3) J'ai traduit littéralement la version libre de Schopenhauer : «Nichts ist ohne Grund warum es sei.»


Source : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5400813b

lundi 4 juillet 2011

Arthur Schopenhauer (Thèse de doctorat) (1)


Ce texte de jeunesse est présenté par Schopenhauer dans son oeuvre majeure, "Le monde comme volonté et représentation", comme un pré-requis. Il y fait allusion souvent. Expliquant qu'il ne compte pas revenir sur ce qu'il a déjà expliqué ici. Cela prouve a quel point il est conscient et certain d'avoir trouvé une/la vérité

Préface de la seconde édition de 

"DE LA QUADRUPLE RACINE 
DU PRINCIPE DE LA RAISON SUFFISANTE"


Cette dissertation de philosophie élémentaire a paru pour la première fois en 1813, sous forme de thèse pour mon doctorat ; plus tard, elle est devenue le fondement de tout mon système. Aussi faut-il qu'elle ne soit jamais épuisée dans le commerce, comme c'est le cas, à mon insu, depuis quatre ans.

Mais il me semblerait impardonnable de lancer encore une fois dans le monde cette oeuvre de ma jeunesse, avec toutes ses taches et tous ses défauts. Car je songe que le moment ne saurait être bien loin où je ne pourrai plus rien corriger; c'est précisément avec ce moment que commencera la période de ma véritable influence, et je me console par l'espoir que la durée en sera longue; car j'ai foi dans la promesse de Sénèque : «Etiamsi omnibus tecum viventibus silentium livor indixerit, venient qui sine offensa sine gratia judicent» (Ep. 79).

J'ai donc corrigé, autant que faire se pouvait, le présent travail de ma jeunesse, et, vu la brièveté et l'incertitude de la vie, je dois m'estimer particulièrement heureux qu'il m'ait été donné de pouvoir réviser dans ma soixantième année ce que j'avais écrit dans ma vingt-sixième.

J'ai voulu néanmoins être très indulgent pour mon jeune homme et, autant que possible, lui laisser la parole et même lui laisser tout dire. Cependant, quand il avance quelque chose d'inexact ou de superflu, ou bien encore quand il omet ce qu'il y avait de meilleur à dire, j'ai bien été obligé de lui couper la parole, et cela est arrivé assez fréquemment ; tellement, que plus d'un lecteur éprouvera le même sentiment que si un vieillard lisait à haute voix le livre d'un jeune homme, en s'interrompant souvent pour émettre ses propres considérations sur le sujet.

On comprendra facilement qu'un ouvrage ainsi corrigé et après un intervalle aussi long, n'a pu acquérir cette unité et cette homogénéité qui n'appartiennent qu'à ce qui est coulé d'un jet. On sentira déjà dans le style et dans la manière d'exposer une différence si manifeste, que le lecteur doué d'un peu de tact ne sera jamais dans le doute si c'est le jeune ou le vieux qu'il entend parler.

Car, certes, il y a loin du ton doux et modeste du jeune homme qui expose ses idées avec confiance, étant assez-simple pour croire très sérieusement que tous ceux qui s'occupent de philosophie ne poursuivent que la vérité, et qu'en conséquence quiconque travaille à faire progresser celle-ci ne peut qu'être le bien venu auprès d'eux; il y a loin, dis-je, de cet on à la voix décidée, mais parfois aussi quelque peu rude, du vieillard qui a bien dû finir par comprendre dans quelle noble compagnie de chevaliers d'industrie et de plats et serviles courtisans il s'est fourvoyé, et quels sont leurs véritables desseins.

Oui, le lecteur équitable ne saurait me blâmer quand parfois l'indignation me jaillit par tous les pores; le résultat n'a-t-il pas démontré ce qui advient quand, n'ayant à la bouche que la recherche de la vérité, on n'est constamment occupé qu'à deviner les intentions des supérieurs les plus haut placés, et quand aussi, d'autre part, étendant aux grands philosophes le «e quovis ligno fit Mercurius», un lourd charlatan comme Hegel arrive, lui aussi, à passer tout bonnement pour un grand philosophe.

Et, en vérité, la philosophie allemande est couverte aujourd'hui de mépris, bafouée par l'étranger, repoussée du milieu des sciences honnêtes, comme une fille publique qui, pour un vil salaire, s'est donnée hier à celui-là, aujourd'hui à un autre ; les cervelles des savants de la génération actuelle sont désorganisées par les absurdités d'un Hegel : incapables de penser, grossiers et pris de vertige, ils deviennent la proie du vil matérialisme qui a éclos de l'oeuf du basilic. — Bonne chance à eux! — Moi, je retourne à mon sujet.

Il faut donc que le lecteur prenne son parti de la disparité de ton ; car je n'ai pas pu ajouter ici, en supplément séparé, les additions ultérieures, comme je l'ai fait pour mon.grand ouvrage.

Ce qui importe, ce n'est pas que l'on sache ce que j'ai écrit à vingt-six ou à soixante ans, mais que ceux qui veulent s'orienter, se fortifier et voir clair dans les principes fondamentaux de toute philosophie, trouvent, même dans ces quelques feuilles, un opuscule où ils puissent apprendre quelque chose de solide et de vrai : et ce sera le cas, je l'espère.

Par le développement que j'ai donné à certaines parties, l'ouvrage est même devenu une théorie résumée de toutes les facultés de l'intelligence ; cet abrégé, tout en n'ayant pour objet que le principe de la raison, expose la matière par un côté neuf et tout à fait particulier, et trouve ensuite son complément dans le 1er livre de mon ouvrage Le monde comme volonté et représentation, dans les chapitres du 2° volume qui se rapportent à ce sujet, et dans la Critique de la philosophie kantienne.

Arthur SCHOPENHAUER.
Francfort-sur-le-Mein, septembre 1847.


Source : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5400813b

vendredi 1 juillet 2011

Arthur Schopenhauer par Michel Onfray

Vers la moitié de la vidéo ça devient intéressant car ça concerne véritablement la thèse de Schopenhauer qui mérite vraiment d'être connue.

Un de ses concepts "puissants" est la notion qui dit que le monde est régit par la volonté. C'est cette volonté qui nous pousse. Nous la connaissons intimement car c'est ce que nous nommons l'instinct. Passionnant vraiment. Il a touché juste je pense.



A écouter les conférences de Onfray à l'université populaire de Caen. Schopenhauer construction d'un pessimisme. Contre histoire de la philosophie volume 11. Le top étant d'écouter tous les volumes. C'est prodigieusement enrichissant. Merci Onfray.