mardi 20 mars 2012

Drogues et mystique

Il semble bien que les enseignements à l'origine des textes vediques étaient transmis par des "voyants" qui absorbaient un breuvage hallucinogène. On retrouve ce cas un peu partout dans le monde. Les drogues servent à acceder à la connnaissance et non a s'amuser le vendredi soir ;).

L'ascèse et l'extase
Le rituel et les spéculations développées à partir de lui n'épuisent pas le contenu de la religiosité védique. Divers indices suggèrent que certains au moins, parmi les auteurs des hymnes, méritaient vraiment leur nom de rishis, en ce que la dimension extatique ou visionnaire de l'expérience ne leur était pas inconnue.

On sait notamment qu'une bonne partie du rituel s'ordonnait autour de la cueillette, du pressurage et de la consommation rituelle d'une plante appelée soma.

Bien que cette plante n'ait toujours pas été identifiée avec certitude — une hypothèse récente (G. Wasson) voudrait y voir une variété de champignon hallucinogène —, il est hors de doute que son inges­tion déclenchait quelque chose de l'ordre des « états modifiés de conscience ».


De nombreux hymnes désignent clairement ses effets, ainsi par exemple X, 119 : « Tels des vents impétueux, les breuvages m'ont soulevé... j'ai dominé le ciel de ma taille, dominé la vaste terre; n'ai-je donc pas bu de soma ? » D'autre part, la présence d'ascètes (muni) aux côtés des officiants brahmaniques paraît avérée.

Un hymne (X, 136, 2) les évoque en ces termes : « Ceinturés de vent, les ascètes sont vêtus de brunes souillures. Ils suivent la fougue des vents dès que les dieux sont entrés en eux. » Les prêtres eux-mêmes sont couramment désignés par le terme vipra, « trembleur », ce qui paraît faire référence à des états extatiques atteints dans le cadre même de la liturgie.

On trouve aussi (par exemple Atharva-Veda XV, 15-17) diverses allusions à des exercices de rétention du souffle, ancêtres probables des pratiques yoguiques proprement dites. En particulier, il est très souvent question dans ce contexte du tapas ou « échauffement intérieur », décrit comme un soudain afflux d'inspiration ou d'énergie créatrice survenant à la suite de pratiques déterminées.

C'est grâce au tapas que les guerriers, par exemple, triomphent de leurs ennemis, grâce à lui également que les poètes et les ascètes s'élèvent momentanément au-dessus de la condition humaine ordinaire et entrent en contact avec les dieux. La notion joue d'ailleurs un rôle non négligeable dans la cosmogonie elle-même. C'est en « s'échauffant » de cette manière que Prajâpati peut rassembler l'énergie nécessaire pour déployer le monde des « noms et formes » à partir du chaos originel.

Michel Hulin